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cet examen, on voulait extraire des documens de la douane toutes les conséquences qu’ils renferment, on arriverait aisément à se convaincre que le droit fixe peut, sans inconvénient pour l’agriculture, être abaissé à un taux très modéré.

L’exposé des faits qui se rattachent aux mouvemens du numéraire peut se passer de chiffres. Il n’est pas nécessaire de recourir à l’aride langage de la statistique pour démontrer ce que chacun sait. Il n’y a pas longtemps encore, la monnaie d’argent l’emportait de beaucoup dans notre circulation sur la monnaie d’or. L’or avait une prime. Surviennent les découvertes des mines de Californie et d’Australie; en peu d’années, l’or se précipite chez nous, et l’argent fuit. C’est l’argent, au lieu de l’or, qui obtient une prime. Le rapport entre les deux monnaies est complètement renversé. Le gouvernement, comme le public, s’en préoccupe et s’en inquiète ; des commissions sont chargées d’étudier la situation nouvelle et de proposer un remède à l’exportation continue de la monnaie d’argent. Aucune mesure n’a encore été prise, et les solutions sommeillent dans les archives ministérielles. Dans un récent écrit sur la Baisse probable de l’Or[1], M. Michel Chevalier a envisagé les conséquences commerciales et sociales de cette révolution monétaire dont nous voyons s’accomplir sous nos yeux les premières phases. Devant la perspective d’une production aurifère sans cesse croissante, il a signalé avec beaucoup de force les inconvéniens de toute nature qu’entraînerait pour la fortune publique et privée, pour le travail national, pour le commerce extérieur, le maintien prolongé d’une anomalie qui consiste à attribuer légalement à l’or, par rapport à l’argent, une valeur que le premier de ces métaux ne représente plus réellement. Il a proposé de conserver à l’argent la qualité d’étalon, et de ne laisser à l’or que la valeur de marchandise, en indiquant divers procédés à l’aide desquels il serait possible, suivant lui, de rendre aussi commode que sous le régime actuel l’usage de la nouvelle monnaie. Les raisonnemens scientifiques invoqués à l’appui de cette opinion sont incontestables; mais la solution pratique du problème n’en demeure pas moins entourée de grandes difficultés. Il n’est point admissible cependant que l’on ne prenne pas un parti, car, en échangeant notre monnaie d’argent contre la monnaie d’or aux conditions présentes, nous nous résignons à une perte sèche qu’il serait urgent d’arrêter. D’un autre côté, avant que le taux des loyers, des salaires, des impôts s’établisse selon la valeur du métal qui semble devoir dominer désormais dans notre circulation, il y aura une période de transition qui sera très pénible pour un grand nombre d’intérêts, et qui pourra même, d’après la démonstration de M. Michel Chevalier, créer au gouvernement de sérieux embarras politiques. Si maintenant, sans distinguer entre la monnaie d’or et la monnaie d’argent, on ne considère que l’augmentation considérable du numéraire qui

  1. Un volume in-8o. Capelle, éditeur.