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situées au sud des Alpes. Je ne crois pas qu’elle tire aucune force de ces possessions. Je suis sûr qu’elles lui valent de grandes haines, et qu’elles l’entraînent dans un système politique que tout gouvernement sage doit éviter ; mais nous devons nous rappeler à quel titre elle possède ces provinces. Elle les possède en vertu du traité général de 1815, qui est également le titre d’autres puissances à la possession d’un grand nombre de territoires en Europe. Ce traité est le grand acte qui a réglé l’état de l’Europe. Il eût peut-être mieux valu que, dans plusieurs de ses parties, cet arrangement eût été combiné d’une autre façon, et je pense, pour ma part, au tour qu’ont pris les choses, qu’on eût mieux fait d’arrêter d’autres arrangemens pour le nord de l’Italie ; mais, pour être juste, il faut nous reporter à la situation qui existait au moment de la conclusion du traité, et se rappeler les raisons qui ont pu faire juger aux parties contractantes que l’on avait pris le meilleur arrangement. Il y avait certaines réclamations de l’Autriche, fondées sur l’ancienne possession. Il y avait d’autres considérations, liées à la défense future de cette partie de l’Italie. À tout événement, bon ou mauvais, c’est un arrangement auquel toutes les grandes puissances de l’Europe ont acquiescé, et qu’elles ont sanctionné par traité, et je déclare humblement qu’aucune puissance ne peut violer justement cette convention et tenter sans raison d’enlever à l’Autriche ce que les traités lui ont donné. Il faut que les traités soient respectés. Si, au nom de quelque préférence théorique, l’on pouvait mettre de côté les stipulations d’un traité, toutes les affaires de l’Europe seraient à vau-l’eau, et il serait impossible de prédire les conséquences auxquelles aboutirait un tel principe. »

M. Disraeli ne pouvait rien ajouter à une telle profession de foi : il s’est borné à en prendre acte, et a exprimé l’espérance motivée que l’on ne verrait point s’accomplir cette violation gratuite des traités contre laquelle lord Palmerston s’élevait avec tant d’énergie ; mais il n’a point suffi à lord John Russell d’adhérer simplement à la doctrine de son rival dans la direction du parti whig. Il a voulu la fortifier encore par un témoignage explicite. Lui aussi, vieil ami de l’Italie, il regrette que les traités de Vienne n’aient point disposé autrement de la Lombardie et de la Vénétie ; lui aussi, il regrette que l’Autriche, dans ces dernières années, n’ait point compris qu’il était de son intérêt d’abandonner au moins une partie de ses territoires italiens. « Mais le traité, a-t-il dit, qui donne à l’Autriche ces territoires, ce traité, revêtu de toutes les sanctions qui le consacrent, fait partie du droit public, et personne ne pourrait tenter de troubler par la force cet arrangement territorial sans commettre une offense contre le droit public européen, et sans porter une profonde atteinte à la paix de l’Europe. J’espère donc, avec le très honorable gentleman (M. Disraeli), que l’infraction gratuite aux traités dont il a été question ne sera point commise. Cependant, si l’agression devait être inspirée par une pensée d’agrandissement, si la France voulait ajouter des territoires à son empire, si la Sardaigne devait accroître ses possessions, l’agression serait plus odieuse encore qu’une violation gratuite des traités. J’ai toujours eu une sympathie profonde pour l’indépendance et la liberté de l’Italie ; mais il m’est impossible de croire que la cause de la liberté italienne soit jamais servie par une guerre comme celle