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Tu n’interromprais pas ton éternelle fête,
O nature impassible, à fleurir toujours prête!

L’obscurité du soir emplit l’appartement;
Il ne distingua plus bientôt que vaguement
La place où reposait le front de l’adorée.
Puis la nuit vint, paisible, attiédie, azurée;
Le ciel étincelait. — Pourquoi tant de splendeur,
Tant d’étoiles là-haut, quand au fond de son cœur
La douleur et le deuil avaient tendu leurs voiles?...
Cette sérénité, ces lumières d’étoiles
Le navraient, et dans l’ombre en pleurant il s’enfuit.
— « O nuit, s’écriait-il, mystérieuse nuit.
Qui planes maintenant autour de sa demeure.
Mère des visions, rends-la-moi pour une heure !
Rends-moi la bien-aimée et son charme et sa voix,
Vers moi fais-la venir comme aux jours d’autrefois,
Légère, souriante et de fleurs les mains pleines.
Oh ! nos chers rendez-vous sous les voûtes des traînes,
Ses chansons, ses bouquets, les entretiens du soir.
Les courses du matin, laisse-moi tout revoir;
Fais-moi croire à la vie une heure, une heure encore.
Puis que le rêve après dans les airs s’évapore! »
— Mais tout restait muet. Perçant l’obscurité,
La lune rayonnait, l’implacable clarté
Dans la réalité le rejetait sans cesse,
Et son regard, cherchant l’ombre de sa maîtresse.
Était déçu toujours et toujours se brisait
A l’angle lumineux où le lit froid gisait.

IV.


Les yeux rougis de pleurs, le cœur rempli de haines.
Il restait abîmé. Les jours et les semaines
Passaient sans adoucir le désespoir amer
Qui montait et grondait en lui comme une mer.
Un soir d’automne, assis dans sa chambre ignorée,
Il regardait la nuit tomber, calme, azurée.
Tandis que le ciel pur là-haut resplendissait,
La terre lentement en bas s’assombrissait.
Et, pareille à son cœur, s’emplissait d’ombre grise...
Un feuillet de sa Bible au souffle de la brise
S’entr’ouvrit, et la lune, inondant le vélin,
En détacha ces mots, qui brillèrent soudain