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La beauté qui défait sa couronne odorante,
La sève qui s’en va, non, ce n’est pas la mort;

Non, ce n’est pas la mort, ces yeux, claires étoiles
Qui souriaient si bien aux étoiles leurs sœurs,
Maintenant assombris et sous les blanches toiles
Du linceul éteignant à jamais leurs splendeurs;

Non, ce n’est pas la mort, ces belles lèvres roses
Que l’amour effleurait, qui s’ouvraient au baiser,
Ces lèvres sous la terre éternellement closes,
Où l’amour ne viendra plus jamais se poser;

Non, ce n’est pas la mort, non, cette voix de fée
Qui naguère vibrait pendant les nuits d’été,
Dans la fosse profonde à cette heure étouffée
Sous la main du néant ou de l’éternité;

Le cœur qui ne bat plus et la chair pâlissante.
Tout cela, tout cela, non, ce n’est point la mort.
Mais la mort, spectre froid, qui frappe d’épouvante
Les jeunes et les vieux, le débile et le fort,

C’est l’oubli! — C’est l’amère et navrante pensée
Que les doux souvenirs, que les regrets pieux
Reviendront chaque jour en foule moins pressée
Pleurer sur un tombeau morne et silencieux;

Qu’il arrivera même une heure où sur la terre
Nul des êtres vivans que nous avons aimés
Ne visitera plus la tombe solitaire
Où des mânes amis sommeillent enfermés,

Et que sur nos tombeaux l’herbe toujours nouvelle
Durant deux frais printemps n’aura pas refleuri,
Que notre souvenir, — hélas! moins heureux qu’elle,
Dans leurs cœurs oublieux sera déjà flétri.


IV. — CONSOLATION.


A M. CAMILLE FISTIÉ.



I.


Lorsqu’il eut vu son front, pareil aux roses blanches,
Retomber sur la couche, immobile et pâli,
Lorsqu’il eut entendu le marteau sous les planches
Enfermant pour jamais le corps enseveli;