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Dans son fauteuil de velours jaune
Assis, et moi sur ses genoux,
Il bourrait sa pipe de houx,
Sa pipe où l’on voyait un faune
Assis près d’un pampre aux fruits doux.

O pipe brune et parfumée,
Cher trésor conservé trente ans,
Que tu vis s’envoler aux vents
De cendre éteinte et de fumée,
D’amours et de ris éclatans!

Hélas ! hélas ! le bon grand-père,
Tu le vis partir à son tour;
Comme la fumée et l’amour,
Comme toutes choses sur terre,
Lui-même, il dut mourir un jour.

Par une froide matinée,
La veille de la Chandeleur,
Sans voix, sans force et sans couleur.
Il laissa sa tête inclinée
Tomber sur son lit de douleur.

Ma mère mit sur son visage
Un baiser suprême et brûlant,
Et dans un cercueil de bois blanc
Le menuisier du voisinage
S’en vint le clouer en sifflant.

On attacha sa vieille épée
Au grand poêle noir de velours,
Puis, aux sons voilés des tambours,
La terre humide et détrempée
Le prit dans son sein pour toujours.

Maintenant sous l’herbe et la pierre,
A côté de sa sœur, il dort;
Et parfois dans un rêve encor
J’entends la canne du grand-père
Retentir dans le corridor.


III. — IMITATION D’UN SOXNET DE THOMAS HOOD.


Dans un corps jeune et beau, la jeunesse expirante,
Le sang tiède et vermeil qui se glace et s’endort,