Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/973

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montrer que de nos jours la spéculation avait changé de caractère, de base et d’intensité, qu’elle se confondait principalement et nécessairement avec l’industrie elle-même. À ce compte, les banques de crédit industriel ne sauraient être tenues strictement à l’écart de toute spéculation; il y a plus, la spéculation, dans son expression la meilleure, est une loi de leur existence. Afin de prêter successivement les services de leur capital et de leurs ressources aux industries diverses, il faut qu’elles puissent y entrer et en sortir tour à tour, c’est-à-dire vendre et acheter, et se présenter sur le marché des valeurs publiques. L’usage, il est vrai, peut engendrer l’abus, ce qui n’était qu’un moyen peut devenir le but : il en, est malheureusement ainsi de toutes les choses humaines, et c’est aux excès du mal seuls, c’est-à-dire à l’expérience, que la guérison du mal sera due. Pas plus pour des établissemens de ce genre que pour tous autres, il n’y a de réglementation, de formule qui préserve des entraînemens et des imprudences; mais après tout ces sociétés ne vivent que par la faveur publique : qu’elles déméritent, et elles porteront bientôt la peine de leurs fautes.

On pourrait, ce me semble, leur faire encore un autre reproche; mais, comme le tort dont il s’agit ne leur est pas particulier, comme il résulte d’une tendance générale dont bien d’autres symptômes seront signalés plus tard, ce n’est pas le lieu de s’y arrêter encore. En résumé, les établissemens fondés pour la commandite industrielle semblent le dernier mot des efforts tentés jusqu’à présent pour satisfaire aux besoins du travail, et pour mettre à sa disposition, à l’aide du crédit, ce capital émancipateur dont il sollicite et justifie incessamment l’emploi. Ils ne constituent pas un progrès scientifique proprement dit, ils ne reposent sur aucun principe nouveau. Avant l’année 1848, des établissemens semblables avaient été fondés; l’usage seulement s’en est généralisé, et cette extension, il faut bien le reconnaître, a été plutôt le fruit d’un entraînement irréfléchi que le résultat d’une démonstration victorieuse. C’est par suite de l’agglomération des capitaux fructueuse pour certaines industries que le public a conclu à l’infaillible succès de cette agglomération pour toutes, et il s’est laissé entraîner aveuglément dans cette voie. Partout où il a trouvé pour le guider des hommes habiles et expérimentés, le succès a couronné ses tentatives; malheureusement le succès n’a pas été universel.


II.

On n’a indiqué jusqu’à présent que les principaux traits d’un mouvement dont l’histoire exigerait des développemens étendus. On voudrait maintenant s’arrêter sur un des faits particuliers de cette