Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se déroulent sans fin, tristes et inexplorées, au sein desquelles le voyageur périt quelquefois de soif et de misère.

Ces deux Australies, l’Australie sauvage et l’Australie colonisée, apparaissent donc l’une à côté de l’autre : celle-ci comme un des exemples de ce qu’a pu accomplir le génie actif et entreprenant de la famille anglo-saxonne, toujours prompte à nouer des relations et à porter les produits de son industrie à tous les coins du globe ; celle-là comme un des derniers spécimens de la nature primitive, pleine encore de problèmes, et hostile aux intelligentes invasions de la race humaine.


I

Ce fut le 2 mai 1851, le lendemain du jour ou fut ouverte l’exposition universelle de Londres, que la nouvelle officielle et certaine de l’existence de gîtes aurifères en Australie fut rendue publique à Sydney. Les colonies anglaises réparties sur l’Australie étaient en ce moment au nombre de trois : la Nouvelle-Galles du Sud, capitale Sydney, embrassant Port-Philip, ou l’Australie-Heureuse, qui depuis en a été détachée sous le nom de Victoria ; l’Australie méridionale, capitale Adélaïde ; l’Australie occidentale, ou colonie de la Rivière-des-Cygnes (Swan-River), dont le chef-lieu est Perth. Celle-ci, séparée des deux autres colonies par un intervalle de six ou huit cents lieues, était pour le moment désintéressée dans la découverte ; mais on peut imaginer le trouble et la fièvre que l’annonce de l’or jeta dans le public de Sydney et des villes voisines à une époque où l’exploitation, récente encore, des mines de Californie emplissait le monde du bruit de ses fabuleux résultats. L’Australie allait donc avoir aussi ses poignantes émotions, ses fortunes inespérées et subites. Quels seraient les favoris du sort ? Chacun se tournait en pensée vers les nouveaux placers, et il y avait dans la foule nombre de personnes qui s’accusaient d’imprévoyance, et se reprochaient de ne pas avoir pris les devans. Cette nouvelle, qui semblait éclater tout d’un coup, avait été préparée cependant : Leichardt, l’intrépide explorateur des régions centrales, n’avait-il pas annoncé l’existence de l’or, et le Prussien Strzelecki, dans une description qu’il avait laissée de l’Australie, n’avait-il pas écrit qu’on y devait trouver des mines, comme dans l’Oural, comme en Californie, en vertu des mêmes lois physiques ? On racontait aussi qu’un vieux berger écossais était venu proposer l’achat d’immenses richesses, et n’avait été accueilli qu’avec dérision, qu’un convict avait subi le fouet pour avoir eu en sa possession des lingots qu’il prétendait avoir trouvés.

Quoi qu’il en fût des récriminations et des regrets, l’homme favorisé,