déjà révélé la puissance de production du sol californien, et les archives de la mission de San-José conservaient le souvenir d’une récolte miraculeuse qui avait donné plus de mille fois le froment des semailles. Ailleurs une moisson d’orge se reproduisait pendant cinq années consécutives sans nouvelles semailles, et rapportait encore la cinquième année 40 hectolitres à l’hectare. On hésite à citer de pareils chiffres, quand on songe que chez nous le blé ne produit guère en moyenne que 10 hectolitres à l’hectare, tandis qu’en Angleterre, certes l’un des pays les mieux cultivés de l’Europe, cette moyenne ne s’élève qu’à 13, la production maximum ne semblant guère dépasser 30. Toutefois il paraît difficile de ne pas accorder au sol californien une richesse d’au moins 20 hectolitres à l’hectare. Le reste est à l’avenant, et je me souviens d’avoir admiré à San-Francisco une exposition d’agriculture où des pommes de 15 centimètres de diamètre se montraient à côté de grappes de raisins qui rappelaient celles de la terre promise. Bien que la science agricole fasse peu de cas de ces monstres du règne végétal[1], ils n’en sont pas moins un sûr garant de fertilité, surtout quand des récoltes régulières confirment ce que l’on peut augurer d’aussi formidables spécimens, lorsqu’on voit des pépinières de deux cent soixante mille pieds d’arbres fruitiers, des vergers produisant 300,000 fr. par an, etc. Je m’arrête pour ne pas être taxé d’exagération, quoique je me borne à extraire ces faits d’un rapport publié par le comité d’agriculture de San-Francisco.
Il faut, en somme, reconnaître à la Californie un concours d’avantages naturels dont on trouverait difficilement beaucoup d’exemples, et qui justifient pleinement l’enthousiasme des Américains pour leur récente conquête. La seule ombre au tableau pourrait être une salubrité moins absolue qu’ils ne la représentent; encore cet inconvénient est-il combattu par des brises de nord, dont l’incommode persistance serait un ennui sérieux en été sans l’utile assainissement qu’elles procurent. Pourquoi donc cet Eldorado, qui d’abord avait été l’objet d’un engouement presque universel, semble-t-il,
- ↑ La Californie possède sans contredit les plus gigantesques échantillons du règne végétal : il suffit de mentionner l’arbre célèbre nommé par les Américains Sesquoia gigantea, et par les Anglais Wellinytonia gigantea. Il fut découvert en 1856. L’écorce d’un de ces arbres, enlevée jusqu’à une hauteur de 55 mètres et envoyée en Angleterre, figure dans le Palais de Cristal de Sydenham, où ses énormes dimensions attirent tous les regards ; mais l’écorce d’un autre, exposée à San-Francisco, était plus extraordinaire encore, car on en avait fait une chambre avec tapis, piano, et des sièges pour quarante personnes. Le plus monstrueux de ces arbres a reçu le nom de « patriarche de la forêt. » Il gît sur le sol où l’âge l’a couché, et mesure 5 mètres de diamètre à 100 mètres des racines; à la racine même, ce diamètre est de 12 mètres. La hauteur totale était de 150 mètres; il est creux, et un homme à cheval peut y avancer jusqu’à 60 mètres dans l’intérieur. Les naturalistes lui accordent trois mille ans d’existence.