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fait encaisser la vente des récoltes s’élèveront, scrupuleusement additionnées, à un peu moins de 10,000 francs. Le bétail, il est vrai, aura continué à gagner en nombre, et sa valeur se sera accrue de plus de 3,000 francs, dont 2,000 auront facilement pu être réalisés, de sorte que le revenu pécuniaire des cinq ans montera en bloc à 12,000 francs environ. Supposons 300 francs de dépense annuelle pour chaque membre de la famille; plus de la moitié du revenu aura été ainsi absorbée, et le bilan définitif des colons, au terme du temps considéré, se composera d’une somme de 4,500 fr., d’une augmentation de 1,000 fr. de bétail, et d’à peu près 3,500 fr. de plus-value de la terre, soit en résumé 9,000 francs. Nous ne sommes naturellement pas entré dans le détail de ces évaluations, toujours faites dans le sens le plus favorable à l’émigrant. Il faut voir maintenant en Californie le second terme de la comparaison.

Dès le début, la principale source de profits y a laissé loin en arrière les maigres récoltes du Wisconsin. La terre n’a nécessité aucun défrichement, et 36 hectares ont pu être mis en culture immédiatement. Grâce à la fertilité du sol, le jardin a sans retard envoyé ses légumes à la ville voisine, et l’heureuse exploitation Inaugure ses budgets par un premier revenu de 10,000 francs. Chaque année, ce chiffre augmente; l’étable et la basse-cour voient leurs hôtes se multiplier en proportion, et les cinq ans ne sont pas écoulés que le revenu s’est accru de moitié. Aussi figure-t-il au bilan quinquennal pour un glorieux total de près de 70,000 francs, qui a permis au colon californien de vivre dans un luxe relatif, interdit à son rival. Ses dépenses annuelles, y compris la main-d’œuvre étrangère à laquelle il aura dû avoir recours, pourront donc s’élever à près de 6,000 francs, et il ne lui en restera pas moins un bénéfice net de 40,000 francs, auquel viendront s’ajouter la plus-value de sa terre, estimée au même taux que tout à l’heure, puis l’augmentation de son bétail, soit en tout environ 65,000 francs, tandis que la famille du Wisconsin n’a pu qu’à grand’peine amasser 9,000 francs!

Une différence aussi extraordinaire demande à être expliquée par quelques faits. Pris dans l’élément européen de cette colonisation, ils montreront que M. Seyd est plutôt en-deçà qu’au-delà de la vérité. En 1852, une association de deux Allemands et d’un Anglais quittait les mines après y avoir amassé 6,000 francs, c’est-à-dire moins que le capital hypothétique dont M. Seyd a gratifié ses deux familles, et elle achetait précisément 256 hectares: au bout de quatre ans, un des associés se retirait, et vendait son tiers 45,000 francs. — Veut-on descendre plus bas : un fermier irlandais abandonne également les mines un an plus tard que les précédens, en 1853; la somme qu’il emporte est modeste, 1,500 francs : il n’en achète