Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/952

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’agriculture ne figurait dans cette exploitation que pour une part relativement insignifiante, et la principale ressource dont on attendît un bénéfice étaient les cuirs recueillis au mois d’août après la formidable boucherie, matanza, qui chaque année revenait périodiquement à cette époque. De plus, ces fermes gigantesques étaient incompatibles avec le développement de la population; aussi ont-elles disparu aujourd’hui pour faire place à des établissemens plus modestes, mais plus productifs, où l’élève des troupeaux se double des travaux de la culture. Ce n’est pas d’ailleurs la dépense qui empêche le colon de s’étendre autour de sa résidence, car il suffit de s’éloigner d’une quinzaine de lieues des villes pour ne payer la terre que 5 ou 6 francs l’hectare; c’est un sentiment mieux entendu : il ne veut acquérir que ce qu’il peut cultiver, sinon immédiatement, au moins dans un avenir possible à prévoir. Pour donner une idée des résultats auxquels peuvent prétendre en Californie les colons les moins favorisés de la fortune, nous ne saurions mieux faire que de citer un ouvrage[1] qui, tout en se consacrant sans réserve à la glorification du pays, appuie au besoin cette thèse de chiffres irrécusables et positifs.

L’auteur suppose deux familles possédant le même capital, 10,000 francs, et également composées du père, de la mère, de deux fils et de deux filles en âge de travailler, puis de cinq enfans. Il place l’une en Californie et l’autre dans le Wisconsin, l’un des territoires de l’Union où se sont le plus portés les émigrans dans ces dernières années. Quelle sera la situation matérielle des deux familles? Chacune d’elles consacre d’abord 4,000 francs de son avoir à l’acquisition de 256 hectares de terre, que l’on suppose coûter dans les deux pays 13 francs l’hectare; on vient de voir que ce prix est bien moins élevé en Californie. La construction de la maison, les clôtures de la propriété, l’achat des bestiaux, des instrumens aratoires, des semences et des provisions de tout genre, achèveront des deux côtés d’épuiser les 10,000 francs, si bien que les points de départ sont aussi identiques que possible. Au bout de la première année la famille du Wisconsin n’aura pas défriché plus de 10 hectares, qui lui donneront, en défalquant sa consommation, environ 180 hectolitres de blé, dont, au prix du pays, elle retirera 1,125 francs; en même temps la valeur du bétail se sera accrue de 250 francs. Les gains augmenteront un peu l’année suivante. Un an encore, et les produits du jardin viendront s’y ajouter; on pourra défricher une couple de nouveaux hectares. Plus tard, les arbres fruitiers commenceront à entrer en rapport, le rendement de la terre s’améliorera. Bref, au bout de la cinquième année, les sommes qu’aura

  1. California and its Ressources, by Ernest Seyd. Londres 1858.