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doit sa production abondante, comme la Russie et l’Egypte, à des terres vastes et naturellement fertiles; mais, dans les deux premiers états, le vil prix de la main-d’œuvre fait négliger la culture et l’empêche de se perfectionner, tandis qu’aux États-Unis, les salaires étant très élevés, la culture procède avec la plus attentive économie du travail, et recherche avec ardeur les perfectionnemens. La production des céréales surpasse maintenant la consommation dans l’Amérique du Nord; mais le sol s’y épuise vite par une production permanente, il est déjà même épuisé dans les vieux états, ceux qui ont cinquante ans. Tout fait prévoir que l’exportation, déjà très faible, ne s’y développera jamais, peut-être cessera-t-elle complètement. Un tel changement ne serait pas sans exemple. Il y a trente ans à peine, l’Angleterre elle-même produisait un excédant de céréales; elle pouvait livrer à l’exportation une part de ses propres greniers. Aujourd’hui elle est en déficit de plus de vingt millions d’hectolitres de blé. L’Union est le seul pays américain dont l’intervention dans le commerce des grains se fasse actuellement sentir en Europe; mais si les États-Unis et la Russie viennent à ralentir leurs envois, le Brésil et les rives de la Plata succéderont à ces deux pays dans l’approvisionnement des marchés européens.

Ainsi éclairés sur la production des pays qui peuvent nous intéresser commercialement, voyons dans quelle mesure notre agriculture concourt à la circulation des grains, et surtout dans quelle mesure elle pourrait y concourir. La valeur de nos exportations ou de nos importations en céréales est trop variable d’une année à l’autre pour que l’on puisse tirer un indice quelconque d’une comparaison aussi limitée. Prenons des groupes de dix ans, en nous bornant aux trois séries comprises de 1827 à 1857. On trouve, pour les importations durant ces périodes, les valeurs croissantes de 309, 669 et 817 millions (valeurs officielles de la douane, qui n’ont point varié depuis 1826). Les valeurs correspondantes des exportations sont de 127,316 et 545 millions. On voit par ces chiffres que les céréales forment à elles seules un commerce important, qui a pris un accroissement rapide d’une période à l’autre. Ces mouvemens de grains représentent un tonnage considérable, réparti entre un grand nombre de navires. Chaque période a ses années de disette durant lesquelles l’importation a pris un développement excessif. Telles sont les années 1832, 1840, 1847, enfin 1856. À ces dates, le tonnage du grain a dépassé celui du coton et de la laine, qui est d’ordinaire le plus considérable. Le fait est d’autant plus important pour notre marine nationale, que ces transports lui reviennent presque exclusivement, tandis qu’en dehors de la navigation des colonies et du cabotage qui lui sont réservés, il n’en est pas de même pour les autres grands transports. Nous recevons des masses considéra-