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pour expliquer les changemens des fossiles lors de chaque nouvelle période. On a pensé que les espèces se sont modifiées pendant le cours des âges, que les êtres inférieurs se sont perfectionnés et transformés peu à peu en animaux d’une organisation très avancée. Auprès de quelques esprits, cette théorie des transformations a passé pour une doctrine matérialiste. Ce reproche ne nous semble pas fondé. En effet, le monde présente le spectacle de générations continuelles. La Providence, qui a donné aux élémens inorganiques la propriété d’éprouver des modifications physiques et chimiques, qui a communiqué aux êtres organisés la faculté de se reproduire en subissant des métamorphoses complètes (comme celle de la chenille en papillon, celle des infusoires en polypes, puis en méduses), pourrait sans doute transmettre également la puissance d’engendrer des espèces nouvelles. Tant qu’un naturaliste admet seulement la transformation de matières en d’autres matières déterminée par une impulsion originaire qui émane de la volonté du Créateur, il reste à l’abri du soupçon de matérialisme. On peut croire à ces transformations sans accepter celle des principes matériels en principes immatériels. On ne peut même de ces transformations opérées dans le monde matériel conclure qu’il existe des transformations analogues dans le monde immatériel, car ces mondes sont nettement distincts : le second l’emporte si manifestement sur le premier que le Créateur peut agir médiatement dans l’un, tandis qu’il agit immédiatement dans l’autre. Enfin la doctrine des transformations ne porte point atteinte à la dignité de l’homme : pour sa créature privilégiée, Dieu peut avoir arrêté le cours ordinaire de la nature. D’après les travaux de la géologie moderne aussi bien que d’après les livres saints, la création de l’homme est un fait isolé dans l’histoire du monde; les découvertes paléontologiques tendent chaque jour à prouver davantage que son apparition est postérieure à la dernière création des animaux. «Jusqu’à présent, dit M. Le vicomte d’Archiac dans son Histoire des progrès de la Géologie, il semble que la venue de l’homme sur la terre soit un phénomène à part dans l’ordre physique comme dans l’ordre moral. »

D’Orbigny a repoussé la théorie de la transformation des êtres. On sait que le règne animal est divisé en quatre embranchemens : les vertébrés, qui sont les plus parfaits des êtres, et se divisent en mammifères, oiseaux, reptiles, poissons; les annelés ou animaux à anneaux, comme les vers, les crustacés; les mollusques ou animaux mous, comme le colimaçon ; les rayonnes, qui sont les derniers des animaux et comprennent les polypiers, les éponges, les foraminifères, etc. Si les êtres s’étaient perfectionnés depuis les premiers temps géologiques jusqu’à nos jours, l’embranchement des rayonnes aurait paru le premier: celui des mollusques serait venu ensuite,