Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/840

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parmi les divers noms qu’une seule espèce a souvent reçus, on doit consulter de vastes ouvrages, d’innombrables brochures. La nomenclature est un labyrinthe où beaucoup d’auteurs se sont égarés. Cette étude rapporte peu d’honneur, et on ne peut s’y adonner sans brûler d’un amour très pur pour la science. Cependant elle est la base indispensable de toutes les théories sérieuses sur le développement des êtres. On va voir quel parti d’Orbigny en a tiré pour l’histoire des animaux fossiles.

La plupart des géologues partagent au moins en cinq époques l’histoire du monde; quelques-uns subdivisent ces époques : d’Orbigny est, à notre connaissance, l’auteur qui admet le plus grand nombre de périodes complètement distinctes. Il en a compté vingt-six depuis le jour où la vie aurait commencé dans le monde; la durée de ces périodes aurait correspondu à la formation d’autant d’étages qui seraient superposés les uns aux autres, et renfermeraient chacun des groupes d’êtres spéciaux. Il est nécessaire, pour comprendre le système de d’Orbigny, de jeter un rapide coup d’œil sur les origines de notre monde.

Primitivement soumise à une haute température, la terre se refroidit peu à peu en tournant dans les froides régions de l’espace; une pellicule solide se forma à sa surface; les gaz et les vapeurs se condensèrent; les océans naquirent. Ce dut être un terrible spectacle que celui du monde pendant l’époque primaire. Il y avait combat entre le ciel et la terre; le ciel, condensant ses vapeurs, inondait la terre de ses eaux, et la terre, encore brûlante, les lui renvoyait de nouveau vaporisées. Quels vides devait produire dans l’atmosphère la chute des eaux, et par suite quels ouragans!

Le globe se refroidissant de plus en plus, le calme finit par s’établir; alors parut un spectacle plus admirable encore que celui des luttes du monde physique : l’harmonieux accord des animaux et des végétaux que la Providence répandit dans les mers et sur les continens. Cette première époque du monde animé a reçu des géologues le nom d’époque de transition, parce qu’elle présente la succession de la nature organique à la nature inorganique. Les eaux sont peuplées de singuliers crustacés nommés trilobites, de nombreux mollusques, et notamment de céphalopodes. Sur les continens, les animaux sont encore rares, du moins a-t-on retrouvé bien peu de leurs dépouilles : peut-être le sol est-il encore trop brûlant! Mais la végétation est d’une richesse incomparable; le charbon de terre, aliment de notre industrie, est le résultat de l’accumulation des plantes du vieux monde : ainsi les créations des temps géologiques devaient profiter à la race humaine. Les plantes ont-elles précédé les animaux? Ont-elles paru en même temps, ou plus tard? Cette question n’est pas encore décidée; mais les prodigieuses ac-