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times ou exclusivement continentales. Pour nous, Français, c’est un pressant motif de donner plus que jamais notre attention à cette branche du service national et de ne point interrompre les améliorations que nous poursuivons depuis vingt ans. Puissance continentale de premier ordre, la France ne saurait prétendre en même temps sur mer à la supériorité du nombre; mais au moins aujourd’hui que la force navale joue un si grand rôle dans la défense nationale, ne négligeons rien pour suppléer au nombre par la qualité. Notre matériel est bon, et nous avons pu, pendant la guerre de Crimée, lui donner un accroissement dont l’Angleterre, notre alliée, ne devait prendre aucun ombrage. Attachons-nous à conserver cet avantage, et en même temps ayons l’œil ouvert sur tout ce qui se fait ailleurs pour en profiter. Peut-être n’avons-nous pas assez songé à l’importance de nos petits navires, canonnières et autres, auxquels les progrès gigantesques de l’artillerie donnent une si puissante efficacité pour la guerre offensive ou défensive sur le littoral : il y a là, nous le croyons, une lacune à remplir dans notre matériel.

Du côté du personnel, nous avons réparé les malheurs causés par notre première révolution et corrigé bien des erreurs, mais nous avons encore quelques pas à faire. Si nos officiers forment une élite d’hommes bons à offrir aux amis comme aux ennemis, il est à regretter qu’ils n’aient point la haute situation qui appartient au corps combattant vis-à-vis des corps non combattans. Le personnel administratif occupe une place trop grande dans les cadres de notre marine, et il y aurait simplification, économie, en même temps que convenance, à en diminuer le nombre et l’importance. Notre artillerie et notre infanterie de marine, corps coûteux et inutiles, devraient se fondre dans l’armée de terre, dont ils ne sont qu’une dépendance, et ils seraient avantageusement remplacés par des canonniers et des fusiliers destinés à servir à bord des vaisseaux sous le commandement d’officiers de marine attachés à eux comme les officiers de l’état-major du génie sont attachés aux régimens de sapeurs. Ces mesures et d’autres, qu’il serait trop long d’indiquer, sont aujourd’hui indispensables, si l’on veut conserver un corps de marine dont la force soit réelle, et ne pas se faire une illusion volontaire sur ses ressources en prenant les mots pour les choses.

Il est temps de nous arrêter. Notre pensée n’a pas été de rédiger ici une sorte de mémoire à consulter sur la marine française; nous avons voulu seulement faire ressortir dans cette étude les avantages aussi bien que les dangers nouveaux qui naissent pour la France de l’emploi des flottes à vapeur comme auxiliaires des armées dans les guerres continentales. Si nous étions parvenu à faire