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BYRON, SHELLEY
ET
LA POESIE ANGLAISE

Recollections of the last days of Shelley and Byron, by E. J. Trelawny, 1858.



Le duc de Saint-Simon se demande au début de ses mémoires si la charité chrétienne permet d’écrire l’histoire de son temps, et après avoir lu son livre, on n’est point tenté de s’étonner de ce pieux scrupule. Que resterait-il en effet de la plupart des grands hommes, s’il se trouvait toujours, marchant dans l’ombre de leur gloire, des Tacite, des Machiavel et des Saint-Simon pour mettre à nu la faiblesse et la perversité humaines, que la grandeur revêt d’une si légère écorce ? Je ne sais s’il rôde aujourd’hui autour des hommes puissans de ce monde quelqu’un de ces peintres austères, je ne sais même pas s’il y a des originaux assez curieux pour tenter la sévérité de leur pinceau ; mais on est en attendant possédé d’une étrange manie de rejuger les morts. Notre temps n’est cependant point fort à l’aise pour tenir une balance équitable en pesant le passé, car il a tout à la fois le culte des héros et le culte de la vérité dans l’histoire ; il fait des demi-dieux, et il veut voir en même temps ces demi-dieux dans un déshabillé qui les montre assez laids ; il élève des idoles et les brise pour regarder un peu comment elles sont faites à l’intérieur. Je ne suis pas bien sûr que l’humilité chrétienne fasse son profit de ces comptes qu’on prétend régler avec une