au monde aux dépens de la Russie ? Certes, avant de sacrifier un des plus importans résultats de cette grande et politique guerre d’Orient qui nous a coûté tant d’hommes et de millions, il y a pour la France lieu d’hésiter. Nous ne devons rien abandonner en Italie de ce que l’honneur nous prescrit d’y défendre ; mais nous avons à résoudre un problème bien délicat. Nous avons à obtenir de l’Autriche des concessions en Italie sans nous exposer à trop l’ébranler du côté de l’Orient, sans nous exposer à trop la diminuer vis-à-vis de la Russie, sans la rejeter nous-mêmes affaiblie, humiliée, désespérée, dans les bras de cette puissance. La solution d’un tel problème demande du temps et beaucoup d’art ; elle serait fort compromise par l’emploi intempestif de la violence.
Jusqu’à ce que nous soyons éclairés par des lumières qui nous manquent encore, nous sommes donc convaincus que la France conserve son libre arbitre pour la paix ou pour la guerre au milieu des complications qui existent ou peuvent éclater en Italie. Au Piémont, petit par le territoire, mais grand par le courage ; au Piémont, représentant les aspirations nationales ; au Piémont, dont le roi, seul parmi les souverains italiens, n’a pas craint d’opposer une barrière morale aux empiétemens immodérés de l’influence autrichienne, la France donne hautement son alliance et son concours moral. Elle a raison. Après un fait aussi éclatant que le mariage du prince Napoléon et de la princesse Clotilde, nous ne concevons pas l’importance attachée par certains journaux et certaines personnes à l’existence d’une prétendue convention secrète, expression de l’alliance des deux pays. L’alliance a-t-elle besoin de cette consécration notariée, et le Piémont dans les affaires d’Italie n’apportera-t-il pas désormais, outre sa propre valeur, une part au moins de la force et du prestige de la France ? Mais la France et le Piémont peuvent et par conséquent doivent garder cette position défensive qui a été prise au congrès de Paris, et qui, soutenue avec une modération habile et résolue, peut obtenir pour la cause de l’indépendance et du bon gouvernement de l’Italie des avantages d’autant plus solides qu’ils seront l’œuvre d’une politique pacifique.
Ce que la France et le Piémont demandent à Rome, aux gouvernemens italiens et à l’Autriche, peut et doit s’obtenir, disons-nous, par la paix. Quels sont en effet les vœux jusqu’à présent connus ? Des réformes dans les États-Romains et la cessation des occupations étrangères. Est-il croyable que l’Autriclie veuille résister par la guerre à des vœux si légitimes ? Non, suivant nous, et la politique autrichienne, même en regardant avec suspicion les effets de l’action concertée de la France et du Piémont, commettrait une étrange bévue, si elle engageait la guerre sur un pareil différend. La politique de l’Autriche en face des efforts qui seraient tentés pour réformer les gouvernemens italiens nous paraît devoir être une politique d’inertie, attendant du moins les événemens et les résultats de l’expérience commencée. Si rien n’est brusqué de part et d’autre, si l’on garde tous les ménagemens que chacune des puissances qui agissent moralement en Italie doit à la paix et à l’opinion générale de l’Europe, la paix aura du temps devant elle. Ce temps ne sera-t-ii pas mis à profit par les gouvernemens, qui sont tous intéressés au maintien de la paix ? On a parlé de congrès. Nous avons peu de confiance