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est moralement et intellectuellement un intermédiaire naturel entre les races méridionales et le reste de l’Europe, et la création d’un royaume italien ne changerait pas cette condition générale des choses. J’en voudrais seulement tirer une conclusion, c’est que, plus que jamais, la France se trouverait dans l’heureuse obligation de tenir à la liberté pour rajeunir sans cesse la puissance de ses idées et pour conserver une influence que les armes donnent quelquefois, mais qu’elles ne maintiennent pas toujours.

Ce qui arrivera de toutes ces questions, qui se sont réveillées si subitement en Europe, nul ne peut le prévoir, ni le dire. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il est des problèmes qui naissent de la force des choses, et qui s’imposent d’eux-mêmes. On ne peut les éluder, il faut vivre au milieu de toutes les perplexités d’une destinée incertaine ; mais il est du moins au pouvoir des hommes de sonder ces problèmes, de les regarder en face, de les simplifier, en les dépouillant de ce qu’ils ont de chimérique sans nier ce qu’ils ont de périlleux, et en les observant dans leurs élémens réels. Que bien des questions s’agitent aujourd’hui dans une sorte de demi-obscurité, cela ne peut être douteux ; elles pèsent sur les esprits, et elles sont dans tous les faits comme elles sont dans toutes les situations. Il ne faut pas oublier pourtant qu’on ne les résoudrait pas en les compliquant et en les précipitant, et il y a un conseil qu’un esprit vigoureux et délié, Guicciardini, envoie toujours du fond de la tombe aux Italiens et à tous les hommes : « Celui qui saurait allier la promptitude à la patience, dit-il, serait un homme divin ; mais, comme c’est impossible, je crois que, tout compensé, la patience et la modération accomplissent de plus grandes choses que la promptitude et la précipitation. »

Charles de Mazade.