Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/703

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une incandescence permanente. Les meurtres politiques se succédaient, et le duc régnant périssait lui-même assassiné ! Il s’est trouvé pour exercer la régence une princesse hardie et sage qui a insisté pour faire cesser l’occupation autrichienne, qui a refusé de renouveler l’union douanière de 1852, qui a substitué un gouvernement intelligent et doux à des procédés capricieusement despotiques, et sous l’heureuse influence de la régente, Parme depuis quelques années a retrouvé la paix. Dans le duché de Modène, où l’influence autrichienne règne absolument, où le souverain semble tenir à représenter un petit despote turc, une fermentation continuelle se manifeste, surtout à Massa et à Carrare. Dans la Romagne, où sont les soldats impériaux, le désordre envahit les campagnes, et les esprits restent livrés sans cesse à une irritation mêlée de découragement. Quel est enfin le pays de l’Italie où les passions révolutionnaires sont le plus impuissantes, où l’ordre social et politique est le plus à l’abri de toute entreprise des factions ? N’est-ce pas le Piémont constitutionnel et libéral ? Tant il est vrai qu’il y a au-delà des Alpes une confusion malheureuse, qui peut favoriser jusqu’à un certain point la puissance autrichienne, mais que tous les gouvernemens italiens sont intéressés à dissiper ! Tout progrès de l’esprit d’indépendance est un danger pour la domination impériale ; il ne menace pas nécessairement les autres souverainetés. Situation fatale, où l’Autriche, pour garantir sa propre sécurité, est obligée d’imposer une identité de politique qui fait la faiblesse des gouvernemens de l’Italie, et qui est au moins une des causes les plus actives des profondes perturbations morales de la péninsule !

Cette situation de l’Autriche au-delà des Alpes est d’autant plus grave, qu’en devenant chaque jour plus difficile et en révélant de plus en plus ce qu’elle contient de périlleux pour l’Italie, elle est aussi moins étayée en Europe à un point de vue général. Je m’explique : la position de l’Autriche en Italie a été forte tant qu’elle s’est liée pour ainsi dire à un grand système de conservation ou de réaction sur le continent. Le cabinet de Vienne était en quelque sorte le mandataire de la sainte-alliance au-delà des Alpes. Il allait détruire dans son foyer la révolution de Naples avec l’assentiment de pouvoirs encore tout pleins de l’esprit de 1815 ; mais depuis ce temps la face des choses n’a-t-elle pas considérablement changé ? Les traités de 1815 subsistent matériellement sans doute ; ils restent la règle des relations, et je crois bien qu’il est plus aisé d’en mal parler que de les refaire. Ce qui ne subsiste plus cependant, c’est l’esprit qui les a dictés et la situation morale qu’ils avaient créée. La première atteinte qu’ils ont reçue dans leur esprit, c’est la dissolution de ce grand concert des gouvernemens qui s’appela la sainte--