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est la plus efficace, sinon peut-être l’unique sauvegarde de sa position en Italie ? Il y aurait d’abord toujours à distinguer une intervention imprévue, accidentelle et essentiellement temporaire, de ce qui ressemblerait à une occupation à peu près permanente et systématique ; mais en outre ce droit lui-même est-il un droit dans le sens vrai du mot ? L’Autriche l’affirme dans son intérêt, la Fiance l’a nié en d’autres temps et le nie encore sans doute. C’est réellement un de ces points indécis autour desquels s’élèvent toutes les interprétations ; c’est, si l’on veut, une nécessité de situation, une convenance de politique, inévitablement limitée par les traditions, les intérêts et les convenances de toutes les autres politiques. Déjà sous la restauration, peu après avoir sanctionné l’intervention de Naples, la France suivait avec une inquiétude et une méfiance croissantes ces promenades militaires que l’Autriche faisait si habilement sortir de l’autorisation qu’elle avait reçue d’aller tuer une révolution. Elle ne pouvait contester le droit, puisqu’elle l’avait reconnu, mais elle en surveillait l’application, et elle en observait les désastreux effets. La diplomatie française montrait la Toscane « se bornant à regretter son indépendance, » Parme et Modène ne faisant rien pour dissimuler leur subordination. « Ce qui se passe à Naples fait pitié, » écrivait un de nos ministres, le marquis de La Maisonfort. La révolution de 1830 une fois accomplie, la France allait plus loin, et ce droit même d’intervention, elle le contestait désormais au nom de ses intérêts et de sa politique nouvelle, sauf à réduire la question, en certains cas, à une affaire d’opportunité et de convenance.

Que disait en effet notre diplomatie ? Elle déclarait qu’il y avait des points, tels que la Belgique, la Suisse, le Piémont, où une armée étrangère était toujours assurée de rencontrer une armée française ; qu’il y avait d’autres pays où, sans approuver l’intervention, la France pouvait ne pas s’y opposer d’une manière aussi absolue. « Ce qu’il faut en conclure, disait M. Le duc de Broglie avec autant de précision que de fermeté, c’est que chaque fois qu’une puissance étrangère occupera le territoire d’un autre état indépendant, nous nous croirons en droit de suivre la ligne de conduite que nos intérêts exigeront ; c’est que ce sont là de ces occasions où, les règles du droit commun n’étant plus applicables, chacun agit à ses risques et périls. » Et qui peut dire que cette question ne se fût pas posée dans les termes les plus sérieux, si le mouvement libéral qui s’accomplissait en Italie en 1847 n’eût été subitement interrompu ou précipité et jeté hors de toutes les voies régulières ? Il en résulte que toute intervention n’amène pas nécessairement un conflit, mais elle peut l’amener, et qu’en toute circonstance où la question se