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au trésor de Vienne. Le temps et les événemens ont alourdi le poids des charges sans adoucir le poids du régime politique. Qu’on songe en effet que depuis dix ans les provinces italiennes de l’Autriche ont payé extraordinairement plus de 80 millions de prestations militaires à la suite des événemens de 1848 et 1849 ; elles ont contribué aux emprunts forcés qui se sont succédé sous des noms divers ; elles ont dû participer pour 65 millions de florins au fameux emprunt national de 1854, et en même temps elles ont fait face annuellement à un budget ordinaire qui s’élève aujourd’hui à 170 millions de francs. Aussi les contributions n’ont-elles cessé de s’accroître. L’impôt foncier, qui était de 17 pour 100 en 1846, a monté jusqu’à 40 pour 100 en certaines années, et n’est guère au-dessous de 25 pour 100. Il y a de plus un impôt sur le revenu mobilier. Les taxes indirectes ont suivi la même progression. Les droits de mutation, de succession, ont été augmentés d’un tiers. Tout a été soumis au droit de timbre fixe, même les certificats scolaires et les calendriers. Le budget particulier de la Lombardie en ces dernières années approchait de 100 millions, sans compter les dépenses provinciales et communales. La ville seule de Milan a un budget de 9 ou 10 millions ; on pourrait remarquer seulement que certaines dépenses communales déguisent à peine des charges d’un autre ordre qu’il faudrait joindre au budget de la guerre : prestations, frais de logemens militaires, transports de munitions, etc. Je m’arrête. Ces chiffres sont la lumineuse révélation d’un fait. On ne peut le nier, depuis 1815, les provinces lombardo-vénitiennes sont un pays gouverné, administré, jugé, surveillé, soumis par des Allemands et dans l’intérêt allemand, avec des ressources qui épuisent ces populations et qui deviennent tous les jours insuffisantes pour cette œuvre de conquête permanente.

Qu’est-il résulté de ce système d’administration et de finance qui a constitué malheureusement toute une politique ? J’oserais en appeler au plus chaud ami du pouvoir impérial. Évidemment l’Autriche n’a point réussi. Accablés d’impôts, les Lombards se sont nourris de plus en plus de leurs mécontentemens. Exclus de toutes les sphères régulières de l’activité publique, ils se sont réfugiés en eux-mêmes ; ils se sont rejetés quelquefois dans ces frivoles corruptions de l’oisiveté, qui faisaient illusion à M. de Metternich il y a vingt ans, et plus souvent dans les conspirations. Ils eussent peut-être su peu de gré à l’Autriche de ses avances, ils ont saisi avidement chaque grief nouveau qu’elle leur donnait comme pour raviver sans cesse l’instinct du patriotisme froissé. Et dans de telles conditions, qu’une réforme monétaire vienne ajouter à des charges déjà lourdes, que des aggravations nouvelles viennent rendre plus