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vait naître en Italie, dans un pays qui se voyait transmis de main en main sans avoir même été conquis, car l’Autriche n’avait pas conquis l’Italie en 1814.

Le sentiment national lui-même qui a été la faiblesse des maîtres de la Lombardie et qui est devenu un des élémens principaux de la politique italienne, ce sentiment même est d’une origine récente. L’instinct d’indépendance est vieux au-delà des Alpes ; le sentiment national tel qu’il existe aujourd’hui, l’idée de la pairie italienne, est essentiellement moderne. Avant 1789, on ne voit pas à Milan une hostilité réelle contre la domination impériale, surtout depuis l’avènement de la maison de Lorraine. Il y avait alors une sorte de paix entre les impériaux et ces populations efféminées par le repos, mais toujours intelligentes, que le cabinet de Vienne avait l’art de gouverner doucement, sans les brusquer, en leur laissant une vie distincte, des institutions locales, une assez grande liberté dans le maniement de leurs intérêts aussi bien que dans toutes les recherches de l’esprit, enfin une ombre d’indépendance dans le bien-être et les plaisirs. Le sentiment national italien est né surtout de la révolution française, qui, en propageant toutes les idées d’émancipation, ne pouvait manquer d’enflammer tous les instincts d’affranchissement patriotique ; il a grandi par les guerres, par le mélange des populations italiennes, par le progrès du libéralisme dans les idées, par les conspirations, par tout ce qu’on a fait pour le combattre ou l’ajourner. Le royaume d’Italie, œuvre de l’empereur Napoléon, ne faisait assurément qu’une médiocre part à l’indépendance, mais il entretenait les espérances en créant pour ainsi dire le cadre d’une nationalité rajeunie par les réformes civiles, représentée par une administration italienne, par une armée italienne. Et les princes de l’Europe, ces princes eux-mêmes n’ont-ils pas eu à leur jour des flatteries et des promesses pour cet esprit nouveau d’indépendance qu’ils voulaient appeler dans leur camp ? Quel était le langage de l’archiduc Jean à l’ouverture de la campagne de 1809 ? — « Italiens, disait-il dans ses proclamations, le royaume d’Italie est un vain nom ; les levées d’hommes, les impôts, les vexations de toute sorte, l’anéantissement de votre état politique, sont des choses vraies et certaines, et dans cet état d’avilissement vous ne pouvez ni être estimés, ni rester en paix, ni être Italiens. Voulez-vous de nouveau être Italiens ?… » Aux approches de la catastrophe, à la fin de 1812, le général autrichien Nugent parlait de même aux Italiens : « Vous avez tous, disait-il, à devenir une nation indépendante. »

Lorsque les princes de l’Europe, émus et étonnés de la résurrection de l’Espagne sous une commotion électrique de l’esprit de na-