Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/657

Cette page a été validée par deux contributeurs.

III.

En face de tant de maux cependant, on ne s’est pas toujours tenu dans le domaine de la spéculation ; plusieurs fois on a tenté de réaliser certains plans. Nous avons vu déjà, chiffres en main, que si le bassin supérieur de la Loire eût été en partie reboisé, l’inondation de 1846 eût été probablement évitée, et l’on peut presque affirmer qu’il en eût été de même de celle de 1856 ; du moins les désastres eussent-ils été diminués dans une proportion bien supérieure au montant des dépenses qu’on eût été obligé de faire. Consultés en 1843 sur les moyens d’empêcher le retour des inondations, la plupart des conseils-généraux se prononcèrent en faveur du reboisement des montagnes. En 1844, même unanimité : sur soixante-trois conseils qui émirent leur avis, pas un seul ne contesta l’utilité de cette mesure. Intimement liée à celle des défrichemens dans les bois particuliers, cette question fut, pendant plusieurs sessions consécutives de la chambre des députés, l’objet de vives interpellations. Enfin, en 1844, M. Lacave-Laplagne, ministre des finances, vint déclarer à la chambre que l’administration avait fait réunir tous les documens statistiques nécessaires à l’exécution d’un travail qui préoccupait à si juste titre l’opinion publique[1]. Un projet de loi fut même préparé par les soins du gouvernement ; mais ce projet, on ne sait pour quel motif, ne fut point apporté aux chambres. En 1848, M. Dufournel, membre de l’assemblée constituante, présenta un nouveau projet par lequel il proposait de reboiser 500,000 hectares, au moyen d’une prime de 125 francs par hectare à distribuer

  1. « D’après les renseignemens recueillis, disait M. Lacave-Laplagne, la contenance totale des terrains dénudés est de 2,594,816 hectares.
    dont à l’état 145,431 —
    aux communes 1,570,285 —
    aux particuliers 879,100 —
    « Sur cette contenance, 1,326,000 hectares n’ont pas été jugés susceptibles d’être reboisés. Il reste donc en chiffres ronds, pour être reboisés 1,268,000 hectares.
    dont à l’état 54,000 —
    aux communes 715,000 —
    aux particuliers 499,000 —
    « Les frais de reboisement ont été évalués à 96,658,000 fr.
    dont pour l’état 3,606,000
    pour les communes 50,256,000
    pour les particuliers 42,796,000

    « L’administration des finances devait commencer par recueillir tous les documens qui pouvaient préparer l’examen de ces questions. Elle a accompli cette portion de sa tâche. Il ne reste maintenant qu’à faire usage de ces documens, et la chambre peut compter que la sollicitude du gouvernement ne cessera de se porter sur un objet aussi utile qu’important. »