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atteintes du système radical. Ce sont des épisodes d’histoire locale sur lesquels il ne faut pas craindre d’insister.

L’académie de Genève a subi dans son personnel, comme dans son enseignement, de graves modifications. Autrefois la direction des études était confiée au corps enseignant, assisté d’un conseil de l’instruction publique. Maintenant elle se trouve entre les mains d’un conseiller d’état, qui décide en dernier ressort sur toutes les questions. Cette omnipotence est d’autant plus dangereuse qu’avec le suffrage universel il pourrait bien arriver que le conseiller d’état chargé de l’instruction publique fût un homme sans culture, ni scientifique, ni littéraire. Si l’académie de Genève n’a pas perdu tout relief après dix années d’un semblable régime, on peut dire que c’est la force de l’habitude qui domine encore. — dans l’église, on remarque le même phénomène. La nouvelle organisation, établie sur des bases essentiellement démocratiques, n’a pas produit les mauvais résultats qu’on pouvait en attendre. Le suffrage universel appliqué à l’élection des pasteurs donne en général des choix satisfaisans, et le consistoire, issu de la même origine, se distingue par l’esprit de lumière, de tolérance et de piété qui préside à ses délibérations ainsi qu’à ses actes. — Sur ces deux points donc, les efforts du radicalisme ont échoué contre les habitudes, tandis que dans le domaine politique, dès le premier jour, il remportait une victoire complète, en intronisant le droit de la force brutale.

Aujourd’hui même, ces résistances partielles ne modifient point la marche du gouvernement de Genève. Quoiqu’il ait contre lui presque la moitié des électeurs, il repousse toute tentative de conciliation, persiste à se montrer exclusif jusque dans les moindres détails, et poursuit son but avec la plus grande ténacité. L’esprit qui l’anime est une profonde antipathie pour les principes auxquels Genève a dû sa renommée. Ce n’était pourtant pas là ce que voulaient la plupart de ceux qui provoquèrent la révolution de 1846 : ils auraient reculé devant l’idée d’introduire dans leur pays de nouveaux germes d’antagonisme, de discorde et de dissolution; mais une seule volonté règne et gouverne. Le grand-conseil n’a plus guère d’autre mission que d’enregistrer des ordonnances. Chez les partisans du chef, la susceptibilité républicaine a fait place au dévouement monarchique. L’avenir offrirait peu d’espoir, si des symptômes d’un esprit plus sagement libéral ne se montraient dans la cité de Calvin.


III.

L’esprit genevois n’est pas tout à fait mort. On a pu lui porter des coups terribles sans abattre son courage, du moins chez l’élite de la