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le cas où la majorité absolue ferait défaut. Le conseil représentatif ainsi nommé choisissait dans son sein les vingt-quatre membres du conseil d’état, dont les fonctions, très faiblement rétribuées, ne pouvaient évidemment convenir qu’à des hommes jouissant d’une certaine fortune. Le pouvoir exécutif était dévolu au conseil d’état, avec l’initiative exclusive des lois. Les réformes constitutionnelles n’étaient pas impossibles, mais entourées de formalités qui devaient en rendre la marche difficile et lente.

Aussi, malgré les principes vraiment libéraux dont elle contenait le germe, la constitution de 1815 fut accueillie avec froideur. Le peuple lui reprocha surtout d’avoir aboli l’ancien conseil-général, où l’élection des magistrats et le vote des lois importantes subissaient l’épreuve du suffrage universel. Il ne tint pas compte de ce qu’en retour, détruisant aussi les castes privilégiées, elle accordait à tous les citoyens les mêmes droits civils. C’est surtout comme gage de paix et d’indépendance qu’on accepta le nouveau code constitutionnel. La joie d’être admis dans la confédération suisse, la brillante perspective qui semblait s’ouvrir pour Genève, prévalurent sur toutes les objections. Deux ans s’écoulèrent à peine d’ailleurs avant que des modifications relatives à la publicité des jugemens, comme aux lois éventuelles concernant le nouveau territoire, eussent mis hors de doute la possibilité d’obtenir par la voie légale toutes les réformes jugées nécessaires. En effet, on réduisit successivement la durée des fonctions du conseil d’état, les séances du conseil représentatif devinrent publiques, et la sphère de son activité s’agrandit considérablement sous l’empire du règlement si sage et si libéral à la fois dont l’avait doté M. Dumont; d’importantes améliorations furent introduites dans l’ordre judiciaire; enfin on abaissa le cens électoral jusqu’à la modique somme de 3 francs 25 centimes, dont le paiement fut rendu facultatif aux citoyens qui, ne se trouvant pas imposés pour une valeur équivalente, désiraient être électeurs et éligibles.

Ces sages réformes coïncidaient avec un essor remarquable dans les sciences, dans les lettres, dans les arts, et surtout dans le domaine des intérêts matériels. De 1815 à 1830, Genève offre certes un spectacle des plus intéressans. On y voit l’esprit républicain se développer avec une énergie féconde. Les citoyens rivalisent avec le gouvernement pour doter leur pays d’institutions libérales. Le respect entoure la magistrature, qui s’en montre digne par son zèle, ses lumières et son dévouement. À cet égard, Genève était privilégiée. La restauration avait ramené dans son sein plusieurs hommes d’un mérite supérieur autour desquels se forma comme un foyer d’intelligence. Il suffit de nommer d’Ivernois, Sismondi, Dumont, de Candolle, et l’illustre réfugié italien Rossi, qui ne dédaigna pas de