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toutes ses richesses, et prit la fuite du côté des jungles. Les Pindarries de son fils l’y rejoignirent : divisés en petites troupes, ils se remirent à dévaster les territoires de Sindyah, et ce prince, tenté par l’appât d’une forte rançon, rendit la liberté au redoutable chef de brigands. Pendant plusieurs années encore, Karrim-Khan, tantôt réuni aux autres chefs de Pindarries, tantôt agissant seul, commit toute sorte d’excès sur les territoires de Sindyah, qui se repentit, mais trop tard, de l’avoir laissé échapper pour la somme de 6 laks de roupies. Après bien des vicissitudes, le Pindarrie, réduit à fuir et à se cacher dans les villes d’où le chassait l’approche des détachemens anglais, comprit que sa carrière était terminée. Ses anciens adhérens refusaient de le recevoir; il ne savait plus où reposer sa tête. Plus confiant que Tchitou dans la parole des agens britanniques, Karrim-Khan finit par se décider à se rendre sans conditions. Il se remit entre les mains de sir John Malcolm, — alors à son camp de Nimhaheira, dans le Malwa, — qui l’accueillit et le traita avec considération et générosité. Le trop fameux Pindarrie obtint au district de Gorackpour, dans l’Oude, des terres où il put vivre en paix avec sa nombreuse famille.

Combien d’autres encore, fiers de commander à des milliers de cavaliers indisciplinés, ont eu, comme Karrim-Khan et comme Tchitou, leurs rêves de grandeur et de puissance! Hardis, courageux, n’ayant aucune notion de moralité, ils prenaient pour de glorieuses entreprises ces expéditions hasardées dont ils rapportaient du butin à pleines mains. Ces hommes sans foi ni loi avaient organisé le pillage sur une grande échelle; ils se mettaient régulièrement en campagne après la saison des pluies, et, joignant la barbarie à la cupidité, ils torturaient leurs victimes pour leur arracher de l’argent. D’abord auxiliaires des princes de la confédération, ils étaient devenus pour ceux-ci de redoutables adversaires, et pour le pays entier de véritables fléaux. Ils auraient pu finir par se rendre indépendans; peut-être même, pareils au chacal, qui harcèle l’éléphant blessé, eussent-ils enlevé des provinces entières aux familles de Sindyah et de Holkar, affaiblies et épuisées. En détruisant les Pindarries, l’Angleterre n’accomplissait pas seulement une œuvre d’habile politique; elle rendait la sécurité à de fertiles contrées, devenues presque désertes, et assurait aux râdjas vaincus par ses armes la tranquille possession de leurs états. L’existence prolongée de ces bandes de pillards et la facilité avec laquelle elles se recrutaient prouvent assez l’attrait qu’offre aux indigènes, Mahrattes, Bheels, Djats, Radjepoutes, Mogols et Afghans, la vie aventureuse du soldat mercenaire.

En esquissant l’histoire des deux plus célèbres d’entre les Pin-