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anglo-indiennes. Le nombre de celles-ci a été diversement évalué par les auteurs anglais; ce qu’il y a de certain, c’est qu’elles ne dépassaient pas le chiffre de dix mille hommes. Les vieilles brigades formées jadis par De Boigne et complétées par le général Perron se montrèrent dignes de la réputation qu’elles avaient acquise dans toute l’Inde. L’artillerie, par la précision de son tir, fit éprouver de grandes pertes aux Anglais, et la cavalerie mahratte renouvela plusieurs fois ces charges terribles qui dans d’autres temps lui avaient assuré la victoire; mais le râdja de Nagpour, peu accoutumé à ces combats acharnés, prit la fuite avant même que la bataille fût perdue. Dowlat-Rao-Sindyah le suivit de près, tandis que les artilleurs se faisaient tuer jusqu’au dernier, et que les soldats disciplinés par les officiers français opposaient encore une résistance désespérée. Du côté des Anglais, près de seize cents hommes furent mis hors de combat; les Mahrattes laissèrent plus de douze cents des leurs sur le champ de bataille, et tous les environs étaient remplis de leurs blessés. Dans cette fatale journée, les confédérés abandonnèrent aux vainqueurs quatre-vingt-dix pièces de canon, sept étendards et tous les équipages de leur camp. Ce succès, de la plus haute importance pour le gouvernement britannique, était dû aux talens militaires du général Wellesley; évitant tout délai qui aurait pu devenir préjudiciable à sa cause, il saisit la première occasion d’attaquer les confédérés avec des forces même trop faibles en apparence, et les foudroya par la rapidité de ses mouvemens. Tout en rendant justice aux grandes qualités du général anglais, nous devons payer aussi notre tribut d’éloges à ces vieilles brigades mahrattes que nos officiers avaient organisées dans des temps meilleurs. Décimées par la mitraille et par le feu de l’infanterie, assaillies par la cavalerie anglo-indienne, elles semblaient vouloir soutenir jusqu’au bout l’honneur des drapeaux tricolores qu’elles portaient toujours comme un talisman.

Avant que l’année 1803 fût écoulée, Dowlat-Rao-Sindyah allait se voir contraint de courber la tête sous le joug et d’accepter les conditions les plus onéreuses. Une seconde armée anglaise, réunie à Cawnpore sous les ordres du général Lake, l’attaquait au cœur de ses états. Le général Perron, en butte à des intrigues qui tendaient à lui faire perdre la confiance du mahârâdja, se retirait à Lucknow avec sa famille; ses deux lieutenans, MM. Fleury et Bourquin, éprouvaient chacun de son côté des échecs considérables. Enfin, après une sanglante bataille livrée sous les murs de Dehli et dans laquelle les Mahrattes comptèrent trois mille morts, les Anglais entrèrent dans la capitale de l’empire mogol. Le vieux Shah-Alam, le sultan aveugle, rejeton de la grande famille de Timour, fut délivré