Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Radji-Rao fournissait à ceux-ci l’occasion de régler à leur avantage les affaires du gouvernement de Pounah. Cette fuite honteuse fut considérée comme une trahison par les partisans de Nana-Farnéwiz et par Djeswant-Rao, qui se préparait alors à retourner dans l’Inde centrale. Ce dernier rassembla tous ceux qui partageaient son sentiment; dans une délibération tenue hors de la ville, sous les tentes du représentant de la famille Holkar, les mécontens proclamèrent la déchéance de Badji-Rao, qui avait abdiqué par le seul fait de sa faite en terre étrangère. Enfin, comme il fallait un peskwa, en d’autres termes un premier ministre tout puissant, à ce pays déshabitué du gouvernement direct de ses rois, Djeswant-Rao et ses partisans choisirent pour remplir ce poste important le jeune fils d’Amrat-Rao, propre frère de Badji-Rao.

Le nouveau gouvernement de Pounah se montra violent, avide et révolutionnaire, comme nous dirions en Europe. Ceux qui le composaient, brahmanes et chefs militaires, commirent toute sorte d’exactions : poussés par la rancune autant que par la cupidité, ils torturèrent les vaincus pour les mieux dépouiller; mais ruiner et faire périr dans les supplices ceux qui sont tombés, ce n’est pas gouverner un pays. Djeswant-Holkar et Amrat-Rao, le père du peskwa par intérim, voyant que les affaires demeuraient dans le même état, firent les plus vives instances auprès du résident anglais pour obtenir sa médiation. Ils lui demandèrent de les réconcilier avec Sindyah et avec l’ancien peshwa Badji-Rao. Cette réconciliation, si elle eût été possible, ne tendait à rien moins qu’à reconstituer la confédération mahratte. C’est sans doute ce que comprit le résident anglais; au lieu d’aider à un rapprochement entre Badji-Rao, Sindyah et Holkar, il quitta Pounah (le 20 novembre 1802), pour aller rejoindre à Bombay le peshwa fugitif et traiter séparément avec lui. Dans la situation désespérée où il se trouvait, Badji-Rao ne pouvait se montrer bien difficile sur les clauses du traité. Établissement, séjour permanent sur le territoire du peshwa et entretien assuré par celui-ci d’une force subsidiaire de six mille hommes d’infanterie et d’un parc d’artillerie de campagne servi par des artilleurs européens; faculté d’augmenter ce contingent dans une proportion considérable en cas de guerre; renvoi de tout Européen appartenant à une nation hostile à l’Angleterre; cession de districts produisant 9 millions de francs, destinés à fournir le subside militaire; promesse de n’entreprendre avec les autres états de l’Inde aucune affaire de quelque importance sans l’agrément du gouvernement britannique : — Badji-Rao accepta tout ce qu’on exigea de lui. A ce prix, l’Angleterre le tint pour le légitime peshwa; mais à peine lié par ce traité, qui lui enlevait toute son indépendance et toute sa