Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/506

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus haut degré le gouvernement du roi de Sardaigne. Deux dangers menaçaient le Piémont : en premier lieu le réveil et le désespoir des passions révolutionnaires dans les pays qui l’entourent, en second lieu et surtout les moyens employés par l’Autriche pour comprimer l’effervescence révolutionnaire en Italie. Appelée par les souverains des petits états impuissans à contenir le mécontentement de leurs sujets, l’Autriche occupait militairement la majeure partie de la vallée du Pô, et son influence se faisait sentir d’une manière irrésistible dans les pays même où elle n’avait pas de soldats. Depuis le Pô jusqu’à l’Apennin, elle se disposait à déployer ses forces sur toute l’étendue de la frontière sarde. Ces occupations permanentes constituaient l’Autriche maîtresse absolue de toute l’Italie, détruisaient l’équilibre établi par le traité de Vienne, étaient pour le Piémont une continuelle menace : Entouré de tous côtés en quelque sorte par les Autrichiens, animé contre lui de sentimens peu bienveillans, le Piémont était tenu dans un état continuel d’appréhension qui le contraignait à demeurer armé et à prendre des mesures défensives excessives et onéreuses pour ses finances, déjà obérées par suite des événemens de 1848 et 1849 et de la guerre de Crimée. Agité au dedans par les passions révolutionnaires, provoqué autour de lui par un système de compression violente et par l’occupation étrangère, menacé par l’extension de la puissance de l’Autriche, il pouvait à tout moment être réduit à l’inévitable nécessité de prendre des résolutions extrêmes dont il serait impossible de calculer les conséquences. Cet état de choses était un vrai péril pour l’Europe. La Sardaigne était le seul contre-poids opposé en Italie à l’influence envahissante de l’Autriche. Si, par l’abandon de ses alliés, elle était contrainte de subir elle-même la domination autrichienne, la conquête de l’Autriche par l’Italie serait accomplie, et cette puissance se verrait à la tête d’une influence prépondérante en Occident. C’est ce que la France ni l’Angleterre ne pouvaient vouloir, ce qu’elles ne permettraient jamais. Les plénipotentiaires sardes étaient donc convaincus que les cabinets de Paris et de Londres, prenant en sérieuse considération la situation de l’Italie, aviseraient de concert avec la Sardaigne aux moyens d’y apporter un remède efficace.

Telle est la protestation chaleureuse par laquelle le Piémont prit en quelque sorte congé du congrès de Paris, et où il traça pour l’Europe, et surtout pour la nationalité et l’indépendance italiennes, le programme de sa politique future. Renfermée dans ces limites, la politique du Piémont nous paraît inattaquable. Réclamer la réforme des mauvais gouvernemens des états italiens, opposer comme un principe l’indépendance de ces états au système d’intervention militaire pratiqué partout par l’Autriche, système qui arrête le développement sain et régulier de l’Italie et y entretient un foyer inextinguible de passions révolutionnaires, demander que l’Autriche ne franchisse plus les frontières que les traités lui ont assignées, c’est le droit légal et strict d’un état italien qui a vraiment à cœur son indépendance et l’indépendance de l’Italie. Sans doute cette politique, si elle ne dépassait pas ses déclarations publiques, ne satisferait point toutes les populations italiennes, car elle serait obligée d’arrêter les efforts de son généreux patronage aux frontières des provinces que les traités ont données à l’Au-