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et ondoyante où peuvent s’abriter et se réunir passagèrement bien des politiques diverses. Dans sa signification la plus absolue, c’est l’affranchissement de toute la péninsule, c’est l’anéantissement de toute domination étrangère depuis les Alpes jusqu’à la Sicile, c’est en un mot la question de l’indépendance nationale. Depuis le Vénitien et le Lombard, soumis au gouvernement direct de l’Autriche, jusqu’au Romagnol et au Toscan, qui subissent indirectement l’influence autrichienne, et jusqu’au Piémontais, qui résiste à cette influence au prix d’énormes sacrifices, avec de grands risques, et qui se sent enveloppé par elle sur sa frontière lombarde, tous les Italiens attachent le même sens à ces mots de question italienne : ils signifient pour eux l’Autriche expulsée de la péninsule. Voilà la signification populaire du mot d’ordre, celle qui est sous-entendue, même par ceux qui ne peuvent et n’osent l’avouer explicitement. Aucune politique officielle en effet, et c’est précisément le cas de la politique piémontaise, ne peut poursuivre ouvertement l’affranchissement de la Lombardie et de la Vénétie. Toute politique officielle est liée par le respect des traités existans et par l’observation des contrats sur lesquels reposent les distributions des territoires, dans l’Europe actuelle. Ces traités et le respect qu’ils commandent constituent une étroite solidarité entre les diverses souverainetés européennes, et cette solidarité s’élève avec une force irrésistible contre tous ceux qui oseraient attaquer directement et violer les traités ; mais la politique du Piémont, sans tomber dans ce danger, a su donner une forme diplomatique à la question italienne. Le Piémont a placé cette question sur ce qu’on pourrait appeler le terrain légal. Il est la seule fraction de l’Italie qui soit demeurée indépendante de l’influence autrichienne. Il a fait usage de cette indépendance pour se donner les seules institutions qui conviennent à un peuple maître de lui-même, des institutions diamétralement opposées au régime que l’Autriche se croit forcée de maintenir dans ses possessions italiennes, ou de favoriser là où domine son influence : les libres institutions représentatives. Le Piémont libre est par là devenu un foyer d’attraction pour toutes les espérances nationales et libérales de l’Italie, et en même temps un antagoniste légitime du système autrichien. L’intérêt de sa sécurité, les droits de son indépendance l’ont autorisé à protester contre l’ingérence de l’Autriche dans les états italiens, où cette puissance maintient seule, par son intervention militaire, le régime despotique. La question italienne, ainsi ramenée à une forme légale, a consisté, pour le Piémont, à demander qu’il ne fût pas permis à l’Autriche de sortir de sa frontière lombarde pour imposer de mauvais gouvernemens au reste de l’Italie, à demander la réforme de ces mauvais gouvernemens, et à rallier à son patronage, dans les populations soumises aux abus de l’influence étrangère, tous les partisans de l’indépendance et de la liberté.

Il y a aujourd’hui un grand intérêt à se rappeler comment la question italienne fut, sous cette forme, posée par le Piémont au congrès de Paris en 1856. Si nous ne nous trompons, ce souvenir doit singulièrement faciliter l’intelligence de la situation présente. Reportons-nous donc à la note que les plénipotentiaires piémontais, MM. de Cavour et de Villamarina, présentèrent le 27 mars 1856 aux gouvernemens de France et d’Angleterre. L’objet de