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À peine arrivé dans le Malwa, Shirzie-Rao-Ghatgay trouva immédiatement sur qui faire tomber le poids de ses colères. Il ouvrit la campagne par un coup hardi : pour se venger de Djeswant-Rao, qui avait pris et rançonné, sans toutefois y commettre aucun excès, la ville d’Ouddjein, capitale des états de Sindyah, il marcha droit sur Indore, capitale des états de Holkar, s’empara de cette ville florissante et la mit au pillage. À la tête d’une armée encore nombreuse, dont la principale force consistait en un corps de vingt-cinq mille cavaliers de toutes nations, Djeswant-Rao avait livré une série de combats devant Indore. Il n’abandonna sa capitale aux fureurs de l’ennemi qu’après avoir perdu une bataille décisive dans laquelle il se laissa enlever presque toute son artillerie. Malgré ce désastre, qui le réduisait à faire la guerre de partisans, il refusa d’accepter les propositions de paix que lui adressait Dowlat-Rao-Sindyah. Non-seulement ses propres troupes lui restaient fidèles, mais encore il lui arrivait des déserteurs de l’armée ennemie. Les pillards de Malwa, de Kandeish et de l’Hindostan, Radjepoutes, Afghans, Mahrattes, se ralliaient volontiers autour de l’aventurier courageux qui ne désespérait jamais de sa fortune. En revanche, le chevalier Du Dernaic, dégoûté de servir sous un chef que des circonstances fâcheuses contraignaient à mener une vie de hasards à travers un pays ruiné, quitta Djeswant-Rao pour passer sous les bannières de Sindyah[1].

Le général français regardait sans doute comme perdue la cause du représentant de la famille Holkar. Il n’en était rien cependant : Djeswant-Rao, pillant toujours, entraînait ses troupes sur le territoire de Malwa, à travers les districts des petits princes radjepoutes, et jusque sur les terres que le peshwa Badji-Rao possédait dans les provinces de l’Inde centrale. La prise d’Indore, qui aurait pu lui porter un coup mortel si Dowlat-Rao eût su en profiter, n’avait eu d’autre résultat que de le rendre plus entreprenant et de le pousser à des tentatives désespérées. Non content d’insulter Sindyah en foulant ses plus riches provinces sous les pieds de ses chevaux, Djeswant-Rao envoyait demander au peshwa de l’aider à reconquérir ses états. Cette requête était portée au chef du gouvernement mahratte par des lieutenans du terrible aventurier qui, continuant de tenir la campagne dans les environs de Pounah, traitaient en pays conquis les districts de Badji-Rao, et venaient de mettre ses troupes en déroute presque sous les murs de son palais. Les demandes de Djeswant-Rao n’avaient rien d’exorbitant : il réclamait du peshwa la mise en liberté de son neveu, le jeune Koundi-Rao[2], dont il

  1. Les bataillons disciplinés par le général français ne le suivirent pas dans sa défection. Voyez History of the Mahrattas.
  2. Fils posthume de Molhar-Rao-Holkar (deuxième du nom), qui avait été tué par les troupes de Sindyah. Celui-ci, après avoir emprisonné l’enfant, l’avait confié à la garde du peshwa lors de son départ pour l’Hindostan.