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d’élite chargés de défendre la ville de Devalpour, sur les bords de la Nerboudda, il les défit et leur enleva d’excellens chevaux qui servirent à monter ses propres soldats. Après ce premier succès, il se hâta de faire appel aux aventuriers de toutes classes, de toutes religions et de toutes races. Bientôt vinrent se ranger sous son étendard des Mahrattes du nord et du midi, des Patans, des Bheels, des Radjepoutes, soldats, pillards et brigands, sortis des montagnes, des forêts, des garnisons des places fortes, et jetés dans la vie des camps par suite des longues guerres dont l’Inde était le théâtre. Des commandans de villes fortifiées dans la province de Malwa lui envoyèrent aussi quelques secours en hommes, en chevaux et en argent.

Il y avait alors dans, cette province de Malwa, tant de fois ravagée par la guerre, de petits chefs à demi indépendans et jaloux de le devenir tout à fait, qui saisissaient toutes les occasions de se mettre en campagne pour piller et se rendre redoutables à leurs voisins. Le plus célèbre de tous était un musulman, Afghan de race, du nom de Amir-Khan, qui avait servi d’abord dans les troupes du peshwa, puis dans les rangs des Radjepoutes lorsque ceux-ci, poussés à bout par les vexations des Mahrattes, se révoltèrent contre leurs oppresseurs. Amir-Khan, fils d’un simple mollah, acquit en peu de temps une grande considération au camp des princes radjepoutes ; il y commandait un corps de cinq mille hommes, et ne songeait nullement à quitter un parti dans lequel sa fortune paraissait devoir être rapide ; mais dans la vie des aventuriers tout est livré à l’imprévu. À la suite d’une altercation qu’il eut avec des chefs radjepoutes, Amir-Khan vit éclater contre lui une émeute dans laquelle il faillit être lapidé. À peine remis de ses blessures et dégoûté de servir sous les Radjepoutes, Amir-Khan passa une seconde fois du côté des Mahrattes, qui lui confièrent le commandement de quinze cents hommes et la garde du fort de Fattygarh, dans lequel il ne put se maintenir contre ses alliés de la veille, devenus ses ennemis du lendemain. Amir-Khan, avec sa petite armée, campait auprès de Bhopal, peu satisfait de sa situation présente, lorsque Djeswant-Rao, qui marchait de ce côté, se mit en rapport avec lui. Les deux aventuriers s’entendirent dès la première entrevue ; ils convinrent par écrit de partager, non ce qu’ils possédaient (ils n’avaient rien ni l’un ni l’autre), mais ce qu’ils posséderaient un jour, territoires, villes et butin. De pareilles stipulations prouvent assez que les malheureuses populations de l’Inde centrale, foulées déjà depuis près d’un siècle, allaient payer encore les frais d’une campagne entreprise par deux chefs de partisans réduits alors à une véritable pauvreté, et suivis de troupes nombreuses affamées de pillage.