peut-être étaient-ils beaucoup plus près qu’elle de la vérité. Depuis cinquante ans, il est peu de ces études rétrospectives sur l’ancienne société qui n’aient eu pour conséquence de donner encore plus d’éclat à la haute sagacité des hommes conviés en 1789 à travailler à la réorganisation politique et sociale du pays. Dans cette réorganisation, ils firent une large place à la commune, et surent dégager du passé tout ce qui devait entrer comme élément nécessaire dans sa constitution ; pour la première fois, la liberté municipale, à laquelle avaient rendu hommage sans trop la définir peut-être, et comme par instinct, aussi bien le Romain que le Barbare, aussi bien la féodalité que la royauté absolue, fut inscrite dans la loi ; la personnalité communale, avec ses biens et ses droits, fut nettement affirmée. L’œuvre est trop capitale dans l’histoire de la commune pour qu’il ne nous soit pas permis de nous y arrêter un instant.
Avant 1789, on confondait assez généralement la commune avec les universités, avec les corporations de toute sorte ; son caractère particulier n’apparaît que très vaguement dans les anciens édits et dans les monumens historiques. L’assemblée constituante distingua la commune des corporations ; elle sentit très bien que les corporations n’avaient qu’une existence factice, artificielle, qu’elles ne pouvaient exister qu’en vertu d’une loi dont elles étaient l’œuvre et la création, tandis que les communes existaient par elles-mêmes et se plaçaient avant la loi, sinon au-dessus de la loi. Il n’a échappé à personne en effet que la révolution communale du XIIe siècle fut légitime ; il eût été aussi déraisonnable d’y résister que de vouloir arrêter le cours d’un fleuve. Les communes avaient parlé de leurs droits, et les chartes les avaient enregistrés. Elles s’étaient révoltées, et dans ce mouvement on ne vit point la rébellion, mais la défense du droit. Elles avaient donc leur autonomie en dehors des lois, puisque aucun texte ne consacrait leur création ; elles avaient donc des droits et des biens, puisque la féodalité elle-même avait fini par reconnaître les uns et restituer les autres ! Dans tous les temps, on les avait vues placées à côté de l’état ou dans l’état, peu importe, mais vivant de leur vie à elles et défendant leur existence contre les envahissemens de l’état même. Elles n’étaient donc pas une dépendance de l’état.
L’assemblée constituante reconnut que la commune avait des intérêts distincts de ceux de l’état, et qu’elle devait les régler elle-même, c’est-à-dire à l’aide de mandataires librement choisis parmi