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réveil de l’esprit de secte. Le droit de lire et de comprendre la Bible suivant son jugement individuel, d’y chercher librement la parole divine, n’est-il pas incompatible avec l’uniformité de symbole et de liturgie qui devrait accompagner le protestantisme réduit à l’unité ? En un mot, ce que se proposait la nouvelle alliance n’était-il pas chimérique ou dangereux, et pouvait-elle éviter l’un et l’autre écueil autrement qu’en tombant dans l’insignifiance ou la nullité ?

On ne saurait dire que rien absolument ne subsiste de toutes ces objections, et qu’il ne puisse plus s’élever aucun doute sur la consistance et la durée de la mission que s’est donnée l’Alliance évangélique. Cependant, depuis quelques années qu’elle existe, elle n’a point en général justifié les craintes tant de ses amis que de ses adversaires ; elle a même dépassé les espérances des premiers, et dès la conférence de Liverpool, elle s’est posé toutes les objections, et elle y a répondu avec assez de bonheur. Ainsi elle a été unanime pour déclarer que ses membres, en se liant, n’entendaient entrer en compromis sur aucune de leurs croyances ou de leurs règles particulières, qu’ils gardaient le droit de les soutenir et de les professer, qu’ils s’engageaient seulement à tempérer le zèle par la charité, à fuir les emportemens d’une polémique contentieuse. Elle a reconnu que, réserve faite de toutes les opinions distinctives, il restait à mettre dans la communauté la meilleure et la plus forte part de la foi. Elle a trouvé qu’en faisant abstraction des dissidences secondaires, elle pouvait demeurer essentiellement chrétienne, et, revenant à la distinction sans cesse attaquée et sans cesse reprise des points principaux et des points accessoires, elle a adopté, non pas un symbole, mais une énumération des articles qui lui paraissent former l’essence du christianisme. Ces articles, portés plus tard au nombre de neuf, résument en effet assez heureusement les dogmes auxquels se rallient aujourd’hui les principales églises réformées. Ils ne laisseraient guère en dehors que les puseyistes, les unitairiens, et peut-être les quakers. Le reproche de relâchement ou d’indifférence en matière de dogme ne saurait donc être sans injustice adressé à l’Alliance évangélique ; mais peut-être répondrait-elle moins bien à celui d’avoir trop limité sa charité par sa foi.

Reste la question : que pourront faire, en s’associant, des fidèles aussi attachés au dogme, du moment que, maintenant leurs dissidences, ils ne songent pas à former une église unique ? À cette question, leur réponse pourra sembler encore un peu vague, mais non pas vaine pourtant, si l’on en juge par l’expérience. La société paraît ne s’être proposé qu’une action toute morale ; elle a cru, et rien ne prouve qu’elle ait été dans l’erreur, que par ses sessions publiques, par les discours qui y seraient prononcés, par les rapports qui y seraient entendus, elle pourrait éclairer, échauffer, chez