d’exemption, car partout les privilégiés formaient une classe nombreuse : le clergé, la noblesse, tous ceux qui étaient pourvus du plus mince emploi dans la maison du roi se faisaient exempter de la taille, qui retombait exclusivement sur la bourgeoisie. De plus, la répartition se faisait de la façon la plus arbitraire, quelquefois la plus inique, et dans certains cas elle devenait un moyen de vengeance. Les répartiteurs, ne relevant pas de la population, n’éprouvaient aucun scrupule à braver ses plaintes. Pour arracher l’impôt au petit nombre de citoyens qui le supportaient dans chaque commune, il fallait véritablement une main de fer. Tel était alors le triste office des agens municipaux. Certains bénéfices étaient attachés à ces fonctions. Presque partout les agens échappaient à l’impôt, eux et leur famille, et obtenaient à la longue un titre de noblesse qui était pour eux la source de nouveaux privilèges. Aussi ces fonctions étaient-elles devenues l’objet d’une honteuse compétition : on y arrivait par l’intrigue, on s’y maintenait par la bassesse et la servilité. L’agent municipal de ce temps ménageait les grands et écrasait les petits ; il ménageait le clergé et la noblesse, afin d’être ménagé par eux auprès du roi ou des intendans. Quand les fonctions municipales cessent d’être gratuites, elles perdent leur prestige et sont odieuses aux populations ; quand la liberté disparaît de la commune, les petits états municipaux deviennent les pires de tous les états. Nous ne voulons pas affirmer que la mauvaise situation des communes provînt exclusivement de ce faux régime, mais il est au moins certain qu’elle s’en était singulièrement aggravée. Dans les momens de gêne, les agens municipaux, uniquement touchés de leur fortune personnelle, avaient facilement livré celle des communes ; dans toutes les provinces, celles-ci avaient contracté des emprunts ruineux et étaient tombées au pouvoir des trafiquans ; survienne la peste de 1667 et de 1668, et elles se trouveront sans la moindre ressource pour combattre les ravages du fléau. La liquidation des dettes communales ne fut qu’un expédient momentané ; il aurait fallu rendre aux communes leur administration libre et gratuite, et remettre à des agens du gouvernement le maniement de l’impôt. Cette réforme administrative n’entra point dans le plan de Colbert. La liquidation eut toutefois cet admirable résultat qu’elle fut un acheminement à l’égalité de l’impôt : presque partout, Colbert obtint que les dettes fussent acquittées par tous les citoyens indistinctement.
La correspondance des délégués avec le ministre indique que les biens communaux étaient passés pour la plupart dans la main des riches propriétaires et des seigneurs : « Les seigneurs, écrit un délégué à Colbert, qui ont droit de cinq corvées par exemple sur leurs