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à Londres, qui montra de la chaleur et de l’éloquence. D’une discussion qui peut se lire encore avec quelque intérêt sortit la résolution de former une société cosmopolite pour la promotion de l’union chrétienne, laquelle se réunirait l’année suivante à Londres sous le nom de l’Alliance évangélique.

Plus d’un doute et d’une critique s’étaient d’abord fait entendre. Plusieurs de ceux même qui étaient venus à Liverpool y avaient apporté de l’incertitude et des scrupules sur le but qu’on se proposait d’atteindre. Je ne parle pas des ombrages et des défiances que l’esprit de corps dans les clergés constitués et l’esprit de secte dans les congrégations libres peuvent suggérer à des consciences inquiètes dès qu’on parle de principes du christianisme communs à tous les chrétiens. Je parle des sérieuses objections qu’encourait l’idée, si plausible d’ailleurs, de les engager à faire de cette communauté de principes la base d’une action commune. Rien de plus facile en effet que de recommander la charité et la fraternité, et il ne faut pas un grand effort pour prêcher dans une assemblée de fidèles, même dissidens, l’union en Jésus-Christ ; mais peut-on fonder sur ces généralités édifiantes une association réelle, active, utile ? Que lui donner à faire ? Pour une œuvre particulière de bienfaisance ou de réforme, on a pu voir se concerter des croyans divisés par les articles de leurs symboles. Un épiscopal a pu s’asseoir auprès d’un quaker, Wilberforce s’entendre avec Clarkson, pour travailler ensemble à l’abolition de la traite ou de l’esclavage : des philosophes seront accueillis par des saints, quand il s’agit de soulager des maux, de supprimer des abus, de réparer des iniquités ; mais la société dont on projetait la formation semblait avoir pour objet la religion même : son lien devait être la foi, son but une certaine unité. Or une société aussi essentiellement religieuse peut-elle s’empêcher d’être dogmatique ? Comment fera-t-elle pour ne pas l’être, à moins qu’elle n’obtienne la paix par le silence, ou parle le langage d’un christianisme tellement vague qu’il ne soit plus que la religion naturelle en style biblique ? Atténuer le dogme, c’est affaiblir la foi. Dans un pays où la liberté religieuse existe, n’est-ce pas le droit de prêcher, de professer, de propager sa croyance, la liberté de prophétiser, comme l’appelait Jeremy Taylor, qui est la source et la preuve de la sincérité et de la ferveur chrétienne ? Qu’est-ce que des sectes qui transigent sur ce qui les distingue, qui font abstraction de ce qui les constitue ? Ce ne sont plus des sectes, et si elles cessent de l’être, c’est qu’elles s’effaceront dans une commune indifférence, ou bien c’est qu’elles réaliseront cette fusion des églises protestantes si vainement cherchée, et dont on n’a jamais cru s’approcher que dans les jours de décadence pour la foi. Le réveil religieux ne date que du