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et d’idées qu’avaient vécu les hommes qui composèrent l’assemblée constituante. Les discussions qui s’élevèrent dans cette assemblée à l’occasion des municipalités, un peu confuses d’abord, ne tardèrent pas à s’éclairer. Sieyès et Thouret dissipèrent toutes les obscurités, et posèrent la constitution municipale ; ils en distinguèrent admirablement le caractère essentiel, l’élément primordial, et aujourd’hui encore, même après les révélations que l’infatigable curiosité des écrivains modernes a fait sortir de l’étude approfondie de l’histoire et de la poussière des archives, on admire la justesse de leur coup d’œil.

Tant que vécut l’œuvre de l’assemblée constituante, tant que l’on vit fonctionner le régime municipal inauguré ou reconstitué par elle, on s’inquiéta peu de le légitimer à l’aide des monumens de notre histoire politique ; mais dès qu’il fut anéanti de nouveau sous l’étreinte du pouvoir absolu, des esprits ardens entreprirent d’en explorer les sources les plus cachées, les plus lointaines, et de le remettre en honneur par le prestige même de son antiquité. Raynouard en releva patiemment les vestiges jusque sur la pierre tronquée des édifices. On lui doit la notion exacte de la municipalité romaine ou du municipe. L’impulsion était donnée ; d’autres travaux suivirent, qui rattachèrent le municipe romain à l’organisation municipale de 1789 par des liens visibles, bien qu’interrompus çà et là. Dans ses leçons d’histoire, M. Guizot avait mis en relief toutes les grandes lignes de ce vaste sujet. La pénétrante érudition de M. Augustin Thierry vint en illuminer une partie du plus brillant éclat. Avec lui, on put assister au grand débat des XIe et XIIe siècles, contempler les hardis coups de main, les sublimes audaces de nos pères contre la féodalité, et à ces récits pleins de charme et de vérité chacun se sentit ému presque autant que s’il se fût agi de ses propres droits et d’une lutte de nos jours. Ces études rétrospectives ne manquaient pas d’une certaine opportunité : depuis l’empire, le régime municipal avait cessé d’être dans nos institutions ; le pays l’avait réclamé, et la restauration était tombée avant de l’avoir rétabli. C’est sous l’influence de ces précieuses élaborations de l’histoire que le gouvernement de 1830 replaça les libertés municipales au nombre des institutions fondamentales du pays, et voulut les asseoir sur les larges bases qui leur avaient été données par l’assemblée constituante. Les communes trouvèrent dans les lois de 1831 et de 1837 comme un nouvel affranchissement ; elles purent choisir elles-mêmes leurs administrateurs, gérer leurs biens et régler leur police intérieure, comme elles l’avaient fait dès la plus haute antiquité, en vertu d’un droit qu’elles tenaient non d’une loi écrite, mais de leur constitution naturelle. Désormais ce droit était inscrit