Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

491, qui expriment, les longueurs en kilomètres de ces trois lignes, et le peu de différence qui existe entre elles laisse intacte la prédominance des avantages nautiques du port de Cherbourg. De tels avantages sont de ceux qui ne s’achètent ni ne se déplacent, et, quoi qu’on fasse, les embouchures de la Seine et de la Loire n’admettront jamais tous les grands bâtimens qui entreront à Cherbourg. Peu importe que le chemin de fer, livré à l’entreprise à des Anglais, ait été construit avec cette parcimonie négligente des intérêts de l’avenir qui fait payer à l’exploitation l’épargne faite sur le capital du premier établissement ; fût-il encore plus défectueux, il n’en étendrait pas moins le rayon des relations du port dont il côtoiera un de ces jours les quais, et l’intervention de cette concurrence sur le marché général peut y amener une révolution. Pour peu que l’Amérique agrandisse encore le tonnage des bâtimens avec lesquels elle apporte le coton en Europe, pour peu que la Hollande et l’Angleterre l’imitent dans le commerce des denrées coloniales, nous ne pourrons recevoir directement ces marchandises et réexpédier de même les nôtres en échange qu’à la condition de le faire par Cherbourg. Les effets probables de ce concours de circonstances naturelles et de combinaisons commerciales méritent qu’on y réfléchisse, et quand on les étudiera, on pourra trouver des bases de conjectures plausibles dans la révolution qui s’opère en face de Cherbourg, à Southampton, où abordent aujourd’hui les paquebots transatlantiques, indiens et australiens, qui n’entreraient commodément sur notre rive de la Manche qu’à Cherbourg. Il est clair que si de telles éventualités venaient à se réaliser, la superficie et la profondeur du port de commerce devraient augmenter ; mais cette perspective n’a rien d’inquiétant, et les remaniemens dont la plage a été l’objet depuis Vauban ont préparé le pays à la voir se transformer encore. . Il ne se fait plus dans le commerce du monde de révolutions isolées, et si celle qui commence dans le tonnage des navires de long cours persiste, il faudra bien la suivre. La réalisation de cette éventualité mettrait l’avenir commercial de Cherbourg au niveau de son avenir militaire, et pourrait aller jusqu’à donner une destination pacifique à plus d’une création conçue dans un tout autre dessein. En attendant, la ville, telle qu’elle est, offre, malgré son antiquité, l’aspect d’une ville née d’hier, et elle l’est en effet, puisque l’ancien sol, enseveli sous une couche de débris et de remblais, correspond à une faible partie de la superficie actuelle. Cherbourg n’a de monumens que ses quais de granit, ses bassins, son établissement maritime ; ses promenades sont ses jetées, ses spectacles les mouvemens de sa rade. La voirie et la tenue générale de la ville ont fait depuis quelques années de visibles progrès ; mais les établissemens