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et la flotte militaire et les navires marchands qu’appelle sa rade hospitalière ; de grands dépôts de houille s’y formeront quelque jour pour que rien ne manque à l’assortiment des secours que recherche la navigation, et ses chantiers de construction, ses magasins d’agrès doivent devenir le but des bâtimens à réparer dans ces parages. Les jeunes gens d’aujourd’hui verront la rade bordée d’établissemens variés ou se réuniront tous les moyens de ravitaillement de la navigation.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que la marine marchande règle le tonnage de ses navires sur la longueur des distances qu’ils ont à parcourir ; mais la multiplicité croissante des relations entre les régions les plus lointaines appelle plus vivement que jamais notre attention sur de vieux et logiques calculs, dont la récente construction du Léviathan a été une conséquence exagérée. Partout on augmente dans des proportions inconnues au siècle dernier les dimensions des navires de long cours, et quand les constructions navales s’élargissent, il faut changer la forme ou la place des ports destinés à les recevoir. Cette préoccupation, plus forte aujourd’hui que jamais, se faisait déjà sentir en 1822. Chargé à cette époque de déterminer l’emplacement du meilleur atterrage de l’embouchure de la Loire et de trouver dans ces parages les moyens d’offrir aux navires venant de mers éloignées un atterrage mieux pourvu d’eau que celui du Havre, M. Beautems-Beaupré remarqua que ce n’était point là qu’il fallait le chercher, que l’embouchure de la Loire et celle de la Seine se valaient à peu près, et il ne put s’empêcher d’ajouter que, si jamais la grande navigation désertait Le Havre pour un autre port, ce port serait Cherbourg, où la sûreté de la rade et la profondeur de l’eau ne manqueraient pas de l’attirer. Réduite à ses élémens hydrographiques, la question n’était pas douteuse ; mais il existait du côté de la terre des obstacles qui neutralisaient les avantages maritimes de Cherbourg. Son port n’était desservi que par des routes carrossables ; ceux de Nantes et du Havre l’étaient par deux beaux fleuves, et quand il s’agissait d’atteindre les grands marchés intérieurs, l’accroissement des dépenses du trajet par terre balançait, et au-delà, l’économie obtenue sur le trajet par mer. Les chemins de fer ont changé cet état de choses : le transport y est moins cher que sur la Seine et la Loire à la remonte, et ces voies, rapides opèrent sur la surface entière du territoire un nivellement qui réduit à de simples questions de distance les questions, auparavant si compliquées, de l’économie des transports. Les frais de transport entre Paris, considéré comme foyer de la circulation d’une part, et de l’autre Le Havre, Cherbourg et Saint-Nazaire, sont respectivement comme les nombres 229, 370,