Aux préparatifs de guerre qu’entassent dans l’île d’Aurigny nos alliés, au système de surveillance et de signaux qu’ils y organisent, nous n’avons qu’une réponse à faire : c’est que la presqu’île de La Hague est interposée entre Aurigny et Cherbourg, et que nous pouvons nous y créer dans le sol et sur la mer des ressources dont ils seront les premiers à profiter pendant la paix, et à souffrir pendant la guerre. Pour atteindre ce but, il reste de grands travaux à s’imposer ; mais si l’entreprise importe à la nation, si elle doit fortifier une population qui serait en temps de guerre la première à rendre ses coups à l’ennemi, qui pourrait dissuader de l’aborder ?
Pour commencer par les intérêts maritimes, les dangers intermittens du passage du Raz-Blanchard donnent un prix particulier aux abris dans lesquels les bâtimens peuvent attendre les momens favorables pour s’y engager. L’anse de Vauville offre cet avantage sur la côte occidentale de la presqu’île : sur le revers opposé sont deux refuges mieux situés encore, et qui se prêtent beaucoup mieux aux améliorations. Le premier, en venant de Cherbourg, est le Hable d’Omonville : il gît à un mille au sud-est de la roche de la Coque et de la pointe de Jardeheu, au large desquelles les navires commencent à se sentir entraînés par l’appel du raz ; il consiste en une échancrure de 400 mètres de profondeur ouverte dans le granit de la côte. Le Hable est défendu du nord par une chaîne de rochers dont l’extrémité se recourbe à l’intérieur, et l’entrée, tournée vers l’est, est réduite à une encablure par des pointes de roche qui se montrent au sud. Un vaisseau de ligne, des frégates peuvent flotter à mer basse dans cet abri. La sûreté n’en est malheureusement parfaite que dans les marées de morte-eau ; dans les autres, le banc du nord est submergé, et les lames qui s’y heurtent retombent dans le bassin. Il est présumable, au tracé d’une voie romaine qui se dirigeait d’Omonville vers Port-Bail, que les anciens avaient fondé des établissemens sur ces deux points de la côte. Vauban déplorait en 1694 que le Hable ne fût ni défendu par une batterie, ni complété pour la navigation. Le premier de ces vœux a seul été exaucé, et les ingénieurs hydrographes de la marine, préoccupés de la nécessité de neutraliser les périls du passage du raz, n’ont négligé aucune occasion de reproduire le second. L’amélioration réclamée se réduirait à établir sur la chaîne de roches du nord une levée insubmersible, travail facile, puisqu’il se ferait presque à sec, et que les matériaux en sont sur place. Tout défectueux qu’il est, le Hable d’Omonville rend quelques services comme refuge ; mais il ne donne place à aucune opération de commerce, et son matériel naval se réduit à une quinzaine de petits bateaux de pêche. Comment en serait-il autrement ? Les mouvemens de marchandises y seraient impossibles, et il ne communiquait, il y