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grâce aux laborieuses recherches et à l’ouvrage de M. Brasseur de Bourbourg.

Il y a une vingtaine d’années, au fond d’une petite ville de province, un jeune homme s’éprit d’amour pour les merveilles des pays vers lesquels se couche le soleil, et le nom de ces continens dont la découverte a jadis tant fait battre le cœur de nos pères enflamma son imagination ; il eût voulu interroger leur passé et ranimer leur histoire. Des circonstances heureuses l’entraînèrent hors du cercle étroit dans lequel l’état ecclésiastique, auquel il s’était voilé, semblait devoir l’enfermer, et sa vie devint une continuelle odyssée à travers l’Atlantique, de nos bibliothèques et de celles des États-Unis au Mexique et au Guatemala. « Il lui a été donné d’admirer les paysages où la nature mêle ses magnificences aux laves noires des volcans ; à l’entrée de la vallée de l’Anahuac, devant les cimes neigeuses du Potocatepetl et de l’Iztaccihuatl, il a contemplé la pyramide de Cholula, monceau de pierres que le temps a couronné de feuillage ; Tula, jadis capitale d’un empire, et Queretaro avec son aqueduc, ses églises, ses palais, ses monastères, et Guanaxuato, la ville aux mines d’argent. À Mexico, il était aumônier de la légation française ; au Guatemala, il accepta la cure de Rabinal, bourgade du département de Vera-Paz, afin de se livrer plus facilement à ses recherches archéologiques et à l’étude des langues indigènes. Il gagna la confiance des Indiens, et se fit raconter leurs traditions : c’est ainsi qu’il obtint des récits merveilleux concernant le roi Quikab l’Enchanteur et l’escarboucle de la Montagne-Noire, les faits héroïques des guerres de Rabinal et le célèbre ballet parlé de Tun, qu’un des anciens lui dicta pendant douze jours, d’un bout à l’autre, en langue quichée, et que les indigènes représentèrent devant lui, revêtus de leurs costumes antiques. Puis, quand le quiche, quand le nahualt n’eurent plus de secrets pour le voyageur, quand il eut coordonné les faits déposés dans les monumens en écriture figurative, fouillé les manuscrits et les livres écrits par les Espagnols et par les Indiens vers les temps de la conquête, il se mit à rédiger cette histoire, où rien ne répond et ne ressemble à ce que connaissait le lecteur : les noms des empires, des souverains, les formes du langage, les monumens de l’archéologie, tout y est nouveau, et, dans cette vaste nécropole, l’auteur évoque un monde qui s’est endormi sans héritier, et dont les bruits se sont éteints en ne laissant d’écho nulle part.

Comment se sont produits les hommes qui ont peuplé ces régions, et qui y ont fondé de si singuliers empires ? Ils sont venus de la Norvège, répond-on, et du détroit de Behring ; mais cette réponse ne suffit pas à l’auteur : il ne s’en dissimule pas l’insuffisance, et laisse prudemment son point d’interrogation à cette question, que n’ont pu résoudre ni Gallatin, ni M. A. Maury, ni d’autres savans ethnographes. Quant à l’empire mexicain, que renversa Cortez, il n’apparaît qu’après de longues périodes d’une histoire multiple et confuse. Il n’y avait pas plus de trois cents ans que les Mexicains s’étaient établis dans la vallée d’Anahuac, et il y avait seulement un siècle qu’ils en étaient les maîtres, quand apparut le conquérant espagnol. Leur empire ne remplissait pas seul cette région ; à côté de Mexico s’élevaient les villes rivales de Tlacopan et de Tetzkuko, tantôt hostiles les unes aux autres et tantôt confédérées. Ce fut sous un prince appelé, comme leur dernier souverain,