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gées. Pour notre part, nous n’attendons aujourd’hui de la guerre aucune bonne solution des difficultés italiennes. La guerre livre tout à la force, et la force, l’Italie en a fait assez l’expérience, ne fait rien de naturel et de durable. L’exemple de ce qui a pu s’accomplir en 1848, et de ce qui a avorté à la suite de la révolution, devrait être présent à toutes les pensées.

En 1848, le pape avait inauguré les institutions constitutionnelles, Charles-Albert avait donné le statut, le roi de Naples lui-même avait accepté le système représentatif. Que l’on suppose que cet état de choses n’eût point été troublé par l’intervention de la force révolutionnaire dans les affaires européennes et italiennes ; croit-on que le système autrichien en Lombardie eût pu durer jusqu’à ce jour en présence des trois états principaux de l’Italie se gouvernant eux-mêmes sous l’égide des institutions libérales ? La force morale d’un tel exemple et d’un tel voisinage eût suffi pour affranchir la Lombardie. L’Autriche eût peut-être renoncé d’elle-même à la domination de la Lombardo-Vénétie : pour couvrir sa retraite, elle eût fait sans doute de ces provinces un quatrième état sous un archiduc ; mais la Lombardie n’en eût pas moins été émancipée du joug étranger et n’en serait pas moins parvenue à l’indépendance permanente. Ce n’est point à l’aventure que nous retraçons cette hypothèse rétrospective. Que gagne en effet l’Autriche à la possession si laborieuse et si coûteuse de la Lombardie ? En hommes et en argent pas grand’chose assurément, si l’on songe au ruineux établissement militaire qu’elle est obligée d’y entretenir. Au contraire, l’occupation de la Lombardie lui impose de douloureux sacrifices, lui suscite dans l’opinion des peuples libéraux des haines redoutables, et affaiblit par là même ses plus naturelles alliances. Or une solution qui amènerait la retraite de l’Autriche, une solution qui, sans secouer l’Europe, affranchirait l’Italie, pourrait, dans des éventualités qui ne sont point chimériques, s’obtenir par la paix et par les progrès intérieurs de l’Italie seule ; nous doutons au contraire que l’on pût tirer un meilleur profit de la guerre même la plus heureuse. Si nous comprenons l’impatience des patriotes italiens, nous croyons donc que les bonnes raisons ne manquent point pour modérer cette impatience, et que les hommes qui peuvent influer sur la direction des affaires italiennes seraient inexcusables, s’ils livraient sans réflexion leur pays et l’Europe à la fatalité des batailles et des guerres indéfinies.

Les troubles qui éclatent, et qui, pendant bien longtemps encore, éclateront dans les provinces turques voisines de l’Autriche, ne confirment-ils point ce que nous venons de dire sur les inconvéniens qu’a pour la politique du cabinet de Vienne l’impopularité universelle que lui attire sa domination en Italie ? On fermerait volontiers les yeux sur l’influence que l’Autriche est appelée à exercer sur les populations du Bas-Danube, si elle ne pesait point en même temps et si près de nous sur un peuple de notre race, et dont tant de siècles de malheur n’ont pu éteindre les ardentes aspirations. Nous n’accusons point ces populations intéressantes qui, à peine échappées au joug ottoman, s’agitent convulsivement pour trouver le cadre où se développeront leurs destinées. Ces agitations, si regrettables qu’elles soient, sont la faute du triste passé qui les a si longtemps opprimées. Serbes et Roumains, Slaves et Grecs, les races chrétiennes qu’a agglomérées sous sa domination