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MARITIMA.

Ainsi que dans un champ, par troupes inquiètes,
Descendent au miroir les jeunes alouettes ;
Comme le papillon, si fragile et si beau,
S’abandonne le soir à l’attrait du flambeau,
Ils viennent par essaims, — ramiers blancs comme neige,
Pluviers, cailles, vanneaux, — ils s’approchent du piége ;
Fascinés, éblouis, ils tournent ; je les vois
Autour du haut fanal voler tous à la fois.
En vain contre le charme ils voudraient se débattre ;
Dans le rayonnement de la clarté rougeâtre,
Ils sont pris de vertige… hélas ! et tour à tour
Se brisent dans leur chute aux pierres de la tour.
Et la mer les saisit de ses promptes écumes,
Et, flocons dispersés, le vent sème leurs plumes,
Et le cri douloureux des blessés convulsifs
Se mêle au sourd fracas des flots dans les récifs.

Oiseaux infortunés ! là-haut, près des nuages,
Vous poursuiviez en paix vos éternels voyages.
Conduits par un instinct si rarement déçu,
Au soleil véritable et d’avance aperçu
Vous alliez confians : palmiers, claires fontaines,
Doux nids, vous appelaient aux régions lointaines.
Vous ne les verrez pas ; séduits par un faux jour,
Vous ne connaîtrez plus ni le ciel ni l’amour !
Hélas ! telle est du sort la cruelle ironie :
On entrevoit de loin quelque sphère bénie ;
Plein des rêves sacrés du sage ou de l’amant,
Vers un but radieux on s’envole ardemment,
Et l’on meurt en chemin, et l’on tombe victime
D’un rayon qui vous ment et vous jette à l’abîme !

V.

CHANSONS DU SOIR

Après un jour d’été, quand la ville s’endort,
Qu’elle étouffe l’écho de ses rumeurs dernières ;
Quand les lampes du soir dans les maisons du port
S’allument, et sur l’eau projettent leurs lumières,

Le long des quais obscurs, il est doux d’écouter,
Dans cet apaisement des heures recueillies,