Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

illustres rivaux. Les diverses études de M. Biot sur Newton ayant été publiées à des époques quelquefois fort éloignées, et dans des recueils divers, il en est résulté que souvent il y a été dans l’obligation de se répéter lui-même en reparlant des mêmes événemens. Dans les Mélanges scientifiques, où tous ces travaux sont réunis, le lecteur peut suivre, non sans intérêt, les changemens qui s’opèrent dans la pensée et les opinions de l’auteur à mesure que des documens nouveaux éclairent le sujet qu’il traite : le Newton du début n’est pas le Newton de la fin. Du milieu des rectifications, des renvois, des additions, on a un peu de peine toutefois à dégager une opinion définitive ; mais, si M. Biot a consacré quarante ans de recherches assidues à l’étude de la vie et des ouvrages de Newton, il a bien le droit d’exiger quelques efforts de la part de ceux à qui il communique les résultats de sa longue et patiente œuvre critique. Personne ne regrettera d’avoir relu à plusieurs reprises ces curieuses études, où la première place appartient à l’un des hommes les plus extraordinaires qui aient jamais vécu. Tout ce qui concerne ce penseur solitaire et profond, qui, avant vingt-cinq ans, avait achevé ses plus grandes découvertes, doit intéresser le philosophe autant que le savant, car jamais aucun autre homme ne montra à un pareil degré jusqu’où peut aller la puissance de la pensée. Newton restera comme un type dans l’histoire de l’esprit humain : l’audace de ses conceptions nous étonne encore aujourd’hui ; ses ouvrages demeurent comme ces monumens où chaque siècle découvre des beautés et des harmonies nouvelles. Ce qui frappe surtout en lui, c’est qu’en toute chose il visait au plus grand : les difficultés ordinaires étaient des jeux pour son intelligence ; rien que pour poser les problèmes qui le tentaient, il fallait du génie, et il les résolut.

En astronomie, Newton eut la pensée hardie d’examiner si la force qui maintient les astres dans les orbites qu’ils parcourent n’est pas la même que celle qui retient ensemble les diverses parties de notre globe et les objets qui en couvrent la surface. Les observations si incomplètes de son temps lui suffirent pour vérifier la justesse de cette grande conception et découvrir les lois de l’attraction universelle. En physique, il choisit de préférence, comme objet de ses études, les phénomènes optiques, les plus difficiles à analyser, et l’on pourrait presque dire les plus immatériels. Sa méthode mathématique était seule une prodigieuse découverte ; mais il semblait oublier ses propres instrumens devant la grandeur des résultats auxquels ils l’avaient aidé à parvenir. Il garda longtemps secrète la découverte des fluxions, et ne la communiqua qu’incidemment au professeur Barrow, à propos d’un ouvrage publié par le géomètre Mercator. La crainte des controverses scientifiques tendit encore à augmenter sa réserve naturelle : il fallait le solliciter