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extrême intérêt ; mais, tout en admettant l’ensemble de ses conclusions sur le procès de Galilée, on pourra être étonné de l’indulgence de son jugement sur la conduite d’Urbain VIII. Il est bien vrai sans doute que le jésuite Christophe Scheiner, pour se venger de n’avoir pu enlever à l’astronome florentin la découverte des taches du soleil, avait fait charitablement insinuer au souverain pontife que Galilée l’avait peint dans les Dialogues sous le nom de Simplicius. Ce personnage y présente en effet un argument dont le pape s’était servi, en causant avec Galilée, à l’époque de la condamnation du système de Copernic. Voilà ce que M. Biot appelle les « torts personnels » de Galilée, et par quoi il essaie d’excuser la sévérité d’Urbain VIII. En parcourant les documens mêmes employés par M. Biot, on voit néanmoins que la responsabilité des rigueurs déployées contre Galilée remonte tout entière à Urbain YIII, et que la politique, non la clémence, lui épargna seule les plus sévères. La mémoire de ce pape gagnera-t-elle beaucoup à ce qu’il soit bien établi qu’en persécutant l’astronome florentin, il vengeait son amour-propre blessé plus que l’orthodoxie ? Ce n’était pas un de ces pontifes dont les actes violens peuvent trouver une sorte d’excuse dans un fanatisme sincère. D’un esprit naturellement enjoué, aimant à rimer des sonnets, Urbain VIII n’a aucun des traits de ces figures sévères que l’histoire de la papauté nous a transmises. Quand le gouvernement espagnol retenait Campanella dans les prisons de Naples, ce pape n’épargna point les efforts pour que le philosophe calabrais fût transféré à Rome, sous prétexte qu’il était accusé d’hérésie et ne relevait que de l’inquisition. Il traita son prisonnier avec une indulgence extrême, prit parti contre ses ennemis, et finit par lui rendre la liberté. Or les folles et grossières théories sociales de Campanella méritaient plutôt une condamnation que les travaux de Galilée, et l’on aurait au moins pu avoir pour des spéculations purement astronomiques la même tolérance que pour des systèmes où la morale souffre autant que la raison.

La condamnation de Galilée eut des conséquences fatales : Gassendi et Bouillaud en répandirent le bruit en France. En l’apprenant quatre mois seulement après qu’elle eut été prononcée, Descartes, dans la crainte d’offenser le saint-siège, se résolut à ne pas publier l’immense ouvrage qu’il préparait sur l’ensemble de la nature, et auquel il avait déjà consacré de longues années de travail. L’arrêt qui frappa Galilée eut encore des effets plus généraux et plus durables : en repoussant les résultats de l’observation et du raisonnement, l’église traça entre la foi et la science cette ligne que le XVIIIe siècle creusa depuis si profondément ; elle provoqua elle-même ce redoutable conflit qu’elle s’efforça en vain d’apaiser, quand elle en eut aperçu tous les dangers. Les pays où l’autorité