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séjour à Rome, sauf les jours où il fut détenu au saint-office. L’ambassadeur eut les soins les plus touchans pour le malheureux accusé placé sous sa protection, et a rendu un compte détaillé de tout ce qui survint pendant la durée de la procédure. En comparant les versions de l’ambassadeur toscan Niccolini et celles de Mgr Marino-Marini, M. Biot a réussi à convaincre celui-ci de mauvaise foi sur quelques points importans. Toutefois, en scrutant habilement les nombreuses pièces de ce singulier procès, en rapprochant les dates, en commentant l’ouvrage récent avec les documens déjà connus, il est parvenu à démontrer presque jusqu’à l’évidence que, contrairement à une opinion longtemps incontestée, Galilée n’avait pas été soumis à la torture, et qu’il en fut seulement menacé. Les supplices furent épargnés à l’infortuné vieillard, infirme et septuagénaire. « Non, s’écrie éloquemment M. Biot, Galilée ne fut pas physiquement torturé dans sa personne ; mais quelle affreuse torture morale ne dut-il pas souffrir, quand, sous la terrible menace des supplices et des cachots, il se vit misérablement contraint à se parjurer contre lui-même, à renier les immortelles conséquences de ses découvertes, à déclarer vrai ce qu’il croyait faux, et à faire serment de ne plus soutenir désormais ce qu’il croyait la vérité ! Comprend-on bien les angoisses de ce martyre, les amertumes dont cette intelligence d’élite fut abreuvée ? Et l’on ne proscrivit pas seulement ses pensées d’autrefois ; on s’efforça de les enchaîner pour toujours. Depuis cette époque fatale de 1633 jusqu’à sa mort, arrivée le 8 janvier 1642, c’est-à-dire pendant les neuf dernières années de sa vie, le malheureux Galilée resta dans un état de suspicion sourde et de surveillance inquiète, dont la rigueur le poursuivit au-delà du tombeau. Des théologiens fanatiques voulurent contester la validité de son testament et lui faire refuser la sépulture ecclésiastique, comme étant décédé sous le coup d’un châtiment infligé par l’inquisition. »

La sentence d’abjuration mérite d’être connue. Non-seulement Galilée fut obligé de déclarer solennellement « qu’il maudissait et détestait ses hérésies, » mais il dut encore s’engager, « au cas où il connaîtrait quelque hérétique, ou quelqu’un suspect d’hérésie, à le dénoncer au saint-office, ou à l’inquisiteur du lieu où il se trouvait. » Il n’est guère possible d’admettre qu’après avoir prononcé cette humiliante déclaration, Galilée ait dit le fameux e pur si muove, en présence des hommes mêmes qui l’avaient menacé de la torture pour lui arracher une renonciation mensongère aux doctrines de sa vie entière. M. Biot, dans la vie de Galilée qu’il écrivit en 1816 pour la Biographie universelle, rapportait ces paroles sans les mettre en doute ; aujourd’hui il n’hésite pas à en nier l’authenticité.

Le récit émouvant de M. Biot sera lu par tout le monde avec un