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un Allemand, Gaspard Schoppe, qui habitait Rome au moment où Bruno périt sur les bûchers du saint-office. Cette lettre nous apprend que, parmi les nombreux griefs articulés par les juges, la croyance au mouvement de la terre tenait sa place à côté des plans de réforme religieuse et sociale et des projets révolutionnaires du moine dominicain.

L’histoire de Galilée ne permet pas de douter que la condamnation officielle du système de Copernic fût un coup dirigé contre Galilée lui-même, quand celui-ci réunit les preuves les plus décisives en faveur de la nouvelle hypothèse. M. Biot nous le montre, dès vingt-cinq ans, déterminant par des expériences demeurées célèbres les lois fondamentales du mouvement, puis, quand il apprend qu’un Hollandais a réussi à construire un instrument qui agrandit les objets éloignés, inventant à son tour la lunette d’approche. Dès ce moment, ses découvertes se succèdent sans interruption, et il explore rapidement le ciel entier : il aperçoit et mesure les montagnes de la lune, découvre le croissant de Vénus, les taches du soleil, étudie le petit monde de Jupiter (mundus jovialis), entouré de son cortège de satellites, et imagine d’utiliser l’observation de ces satellites pour la détermination des longitudes terrestres ; il aperçoit autour de Saturne des appendices où après lui on reconnut un anneau. Ces brillantes découvertes enflamment l’enthousiasme de Galilée : il appelle avec énergie ces nouveautés « les funérailles de la fausse philosophie. » La doctrine de Copernic se dégage des doutes et de l’incertitude des hypothèses pour prendre place parmi les vérités démontrées : c’est le moment que choisit l’église pour l’attaquer. Un dominicain nommé Caccini prêche contre les idées nouvelles, en prenant pour texte ces paroles à double entente : Viri Galilœi, quid statis aspicientes ad cœlum ? Il établit « que la mathématique est un art diabolique, et que les mathématiciens, comme auteurs de toutes les hérésies, devraient être bannis de tous les pays chrétiens. » Un autre dominicain, Lorini, dénonce directement Galilée au saint-office. Enfin le célèbre astronome vient défendre ses doctrines à Rome et essaie de montrer qu’elles n’ont rien d’inconciliable avec les textes de l’Écriture.

Le 5 mars 1616, la congrégation de l’Index lançait l’interdit contre le système de Copernic et faisait défense à Galilée de le professer. Quand le cardinal Maffeo Barberini fut nommé pape sous le nom d’Urbain VIII, Galilée, à qui le nouveau pontife avait toujours témoigné de grands égards, essaya de faire révoquer la sentence qui pesait sur ses croyances astronomiques. « Il s’aperçut bientôt, dit M. Biot, que dans cette cour on n’aime pas à se dédire. » On lui accorda des audiences, des médailles, avec force agnus Dei ; mais la condamnation fut maintenue. C’est alors que Galilée se décida à faire