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mouvement commun dans les cieux. Copernic vint s’instruire dans les écoles de Padoue, de Rome et de Bologne avant de s’établir à Frauenbourg, où pendant trente-trois années il travailla à son ouvrage sur les révolutions des corps célestes. Le célèbre chanoine y attaqua hardiment la croyance à l’immobilité de la terre : prévoyant que sa révolution scientifique rencontrerait une violente opposition parmi les théologiens, il retarda l’impression de son ouvrage aussi longtemps que possible. Il fallut de nombreuses instances, notamment celles du cardinal Schonberg et de Tiedemann Gise, évêque de Culm, pour l’y déterminer. Le livre parut l’année même où mourut Copernic. Dans sa dédicace, adressée au pape Paul III, Copernic exprime la crainte que « de sots bavards, étrangers à toute connaissance mathématique, aient la prétention de porter un jugement sur son ouvrage, en torturant à dessein quelque passage des saintes Écritures… Afin de prouver que, quant à lui, profondément pénétré de la justesse de ses résultats, il ne redoute aucun jugement, du coin de terre où il est relégué, il en appelle au chef de l’église et lui demande protection contre les injures des calomniateurs. Il le fait avec d’autant plus de confiance que l’église elle-même peut tirer parti de ses recherches sur la durée de l’année et sur les mouvemens de la lune. »

Plus prudent que Copernic, Osiander, qu’il avait chargé de surveiller l’impression de son livre à Nuremberg, crut nécessaire d’y ajouter une introduction où il représente les conceptions nouvelles relatives au mouvement des planètes non comme des vérités absolues, mais simplement comme une hypothèse commode pour les astronomes. « Il n’est pas nécessaire, écrivait-il, que ces hypothèses soient vraies, ni même vraisemblables ; il suffit qu’elles facilitent l’accord du calcul avec les opérations. » On a quelquefois attribué cette opinion à Copernic ; mais tout ce qu’il a écrit contredit une semblable assertion. On en jugera par ce seul passage : « Par nulle autre combinaison, je n’ai pu trouver une symétrie aussi admirable dans les diverses parties du grand tout, une union aussi harmonieuse entre les mouvemens des corps célestes, qu’en plaçant le flambeau du monde, ce soleil qui gouverne toute la famille des astres dans leurs évolutions, sur un trône royal, au centre du temple de la nature. »

Les déclarations d’Osiander eurent néanmoins pour effet de garantir pendant longtemps le système de Copernic, et d’empêcher qu’il ne fût formellement condamné ; mais on ne peut douter que, dès le début, l’église n’y aperçût une doctrine hérétique. Le procès de Giordano Bruno donne de cette disposition de l’église une preuve convaincante : il n’a jamais été publié, comme vient de l’être celui de Galilée ; mais nous connaissons une lettre très curieuse écrite par