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grandes ; mais une goutte d’eau fait déborder un vase déjà plein. De toute façon, Napoléon était tombé. On ne passait pas seulement d’un règne à un autre, d’un ordre de choses à un ordre opposé ; c’était plus qu’un siècle, c’était une grande époque du progrès humain qui finissait, et un âge nouveau dont on voyait les commencemens.

« Sans aller plus loin, de la mort de Louis XIV en 1714 » jusqu’à la chute de Napoléon, on compte juste cent ans de bacchanales françaises et européennes, les cent dernières années de la primatie française en Europe. Cette journée si grande et si petite, si solennelle et si comique, à laquelle j’avais assisté, était la première d’une autre primatie quelconque, ou peut-être d’une ère sans primaties désormais, d’une ère de progrès universels, se succédant et s’entr’aidant les uns les autres. »


Cette citation un peu longue donne une idée très juste de l’état où se trouvaient alors les esprits éclairés de l’Italie. On y voit un doute mélancolique sur la mission de cette France, si prompte à passer de la sublimité à l’abaissement, puis un espoir vague dans l’Italie rajeunie, où les faiblesses du moins ont quelque chose de la grâce féminine, et se rachètent par une certaine beauté morale qui manque aux petitesses des autres pays. L’heure en tout cas était proche où les hommes de cœur allaient remplir leur tâche de dévouement. César Balbo, redevenu Piémontais, l’appelait avec ardeur.

L’on crut un instant qu’Eugène Beauharnais serait laissé à la tête de la Lombardie, constituée selon les lois françaises ; l’on crut au bon vouloir de la maison de Savoie, si généreuse et si disposée jadis à accorder des franchises ; l’on crut à tout, l’on s’enivra de folles illusions. La rentrée de Victor-Emmanuel Ier dans Turin, avec son escorte de serviteurs fidèles vieillis en Sardaigne, fut une scène de joie indescriptible. Toutes choses, à ce dernier jour de la méprise universelle, semblaient concourir à une renaissance. Lorsque le roi vit son château du Valentino, et le Pô au pied des collines, et la ville de ses ancêtres, il pleura ; les femmes, avec l’expansion méridionale, baisaient les harnais de son cheval, et le jeune peuple revêtu par la France de sa robe virile affluait autour de celui par qui le pays redevenait une patrie. La foule transportée refaisait un sacre au roi longtemps déchu, et le roi put entendre dans les acclamations des citoyens la révélation de leur vie nouvelle. L’âme de la monarchie représentative était née dans la conscience publique. Aux portes de la ville cependant, les soldats autrichiens, prenant le pas sur la municipalité, se firent les introducteurs du prince national, et leur prépondérance, servie au château par des ministres inspirés d’eux, remit sur pied l’ancien échafaudage. On vit alors que le roi ne pouvait rien pour l’indépendance ni pour la liberté. Forcée de suivre seule l’impulsion irrésistible de ses instincts, la population