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des compatriotes, l’obligation qu’il s’impose, c’est d’exprimer sans cesse les volontés communes.

Ainsi deux sujets d’étude s’offrent à l’historien dans la question italienne. Le Piémont, d’une part, sollicite et mérite une attention particulière ; il exerce une influence heureuse sur les groupes qui se trouvent autour de lui. À force de calme et de logique, il se concilie l’estime des puissances dans une entreprise romanesque à certains égards, où le sentiment national, chose indifférente aux diplomaties, constitue en définitive le fond du procès. Au-delà de cette petite Italie d’avant-poste, qui combat audacieusement pour le régime parlementaire, on devine, sans la bien connaître, une Italie remuante et confuse, qui semble frappée d’incapacité par le dérèglement de son admirable génie. Nous allons essayer de saisir les traits communs de ces deux aspects importans, ou plutôt nous allons observer dans ce Piémont, dont l’amphithéâtre alpestre fait écho à tous les bruits italiens, la croissance des institutions représentatives, but provisoire de ses efforts, instrument futur de la renaissance espérée. Le drame qui agite la péninsule depuis quarante années sans résultat général se développe en Piémont, pendant la même période, d’une manière uniforme et régulière. La question de liberté, la question d’indépendance, la question religieuse, y sont traitées tour à tour par l’expérience et par la discussion. Les souverains qui voudraient être indépendans, les peuples qui voudraient être libres, l’Autriche et Mazzini, qui aspirent chacun de son côté à une unité différente, et le pape enfin, ballotté entre les uns et les autres, — tous ces personnages d’une action bien plus vaste que le théâtre où elle se produit paraissent sur la scène piémontaise, et il est facile de les y observer dans leurs luttes comme dans leurs accords.


I

La maison de Savoie, au XVIIIe siècle, figurait à peine dans les affaires européennes, après avoir fait quelque bruit au moyen âge et mis, selon l’expression d’Emmanuel-Philibert, son grain dans la balance à chaque querelle du roi de France et de l’empereur. Elle s’était repliée sur elle-même, et après quelques travaux d’organisation intérieure que Charles-Emmanuel III fut le dernier à ordonner, elle avait abdiqué toute prétention à être remarquée. Son armée de vingt-cinq mille hommes, presque aussi nombreuse que le clergé du royaume, était non moins pacifique à coup sûr. Que Joseph II à Vienne et Léopold en Toscane s’appliquassent à ces réformes ecclésiastiques que César Balbo trouvait admirables ; que Joseph de Maistre, après comme avant la restauration, jurât à l’Autriche une