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d’esprit distinct du corps, qui, à la mort, s’en va dans un grand trou situé à l’ouest, réceptacle commun des âmes. Selon quelques-uns, la mort n’est qu’apparente : l’esprit, retiré dans les arbres, cherche pour s’y loger un nouveau corps ; mais beaucoup d’autres pensent qu’il s’en va au milieu des nuages, et que là, réalisant l’idéal de la vie terrestre, il trouve, tant qu’il veut, à manger et à boire, sans jamais manquer de chair de kangurou, de fourmis blanches et de lézards. D’ailleurs les idées abstraites leur sont inconnues, puisqu’ils n’ont pas de mots pour les rendre. Quand on leur demande la raison de leurs cérémonies et de leurs pratiques, ils se bornent à répondre : « Nos pères faisaient ainsi. » Un être tout-puissant qui habitait avec ses trois fils au-dessus des nuages a, suivant certaines tribus, tout produit ; d’autres disent que c’est un grand serpent habitant sur le sommet des montagnes, qui d’un coup de sa queue a créé le monde. Il y a de méchans esprits qui, la nuit, rôdent dans l’air, brisent les arbres et maltraitent les hommes ; le feu les écarte. Les éclipses, les comètes, les phénomènes inusités du ciel frappent ces pauvres sauvages de terreur, et leurs sorciers leur expliquent quelles en doivent être les terribles conséquences. Ceux qui tiennent ce rôle de sorciers n’y arrivent qu’à la suite d’initiations et d’épreuves ; ils guérissent les maladies, produisent la pluie, dissipent les nuages ; les vents et la foudre leur obéissent, et ils ont des talismans qui garantissent leur puissance. Au reste, les usages varient suivant les tribus. À la côte septentrionale et sur une partie de celle du sud, la circoncision est pratiquée ; il en est de même du tatouage, dont les formes varient. Les femmes subissent vers l’âge de la puberté un tatouage particulier qui consiste à sillonner tout le dos de lignes horizontales que l’on enduit, quand le sang coule à flots, d’ocre rouge.

On ne peut pas dire que ces sauvages aient un gouvernement, et que leurs tribus reconnaissent des chefs ; ce sont généralement des vieillards qui portent la parole et qui dirigent les débats et les réunions. La polygamie est admise sans être très commune, à cause du peu d’abondance de la nourriture. Ce même motif a multiplié les infanticides. La femme est la propriété absolue de l’homme. Les pères et les frères respectent, à ce qu’il paraît, leurs filles et leurs sœurs : c’est tout ce que l’on peut dire à l’avantage de leur moralité. Ils les échangent vers l’âge de douze ans, contre des armes, des ustensiles, ou contre d’autres femmes. D’ailleurs pas de cérémonie pour le mariage : le plus proche parent de la fille lui ordonne simplement de prendre son rocko, sac en cuir dans lequel elle serre les peaux qui lui servent de vêtement, et de suivre son nouveau maître. Ces mariages n’empêchent pas une sorte de promiscuité et de prostitution commençant avec la première jeunesse : c’est en cela sans